Lors des obsèques d’un étudiant tué pendant les manifestations contre le pouvoir, à Managua, le 16 juillet. / Alfredo Zuniga / AP

Editorial du « Monde ». Le Nicaragua a célébré, jeudi 19 juillet, le 39e anniversaire de la révolution sandiniste, alors que le président, Daniel Ortega, réprime une révolte populaire et pacifique d’une ampleur inédite. Malgré les condamnations de la communauté internationale, le héros révolutionnaire de 72 ans opte pour la confrontation avec ses opposants, qui exigent la fin de son régime « autoritaire » et « corrompu ».

M. Ortega et son épouse, Rosario Murillo, devenue sa vice-présidente, s’accrochent au pouvoir. La répression qu’ils mènent a fait, depuis trois mois, 280 morts et 2 000 blessés dans ce petit pays d’Amérique centrale de 6 millions d’habitants. Le passé révolutionnaire de M. Ortega n’est plus qu’un lointain souvenir. Le 19 juillet 1979, le guérillero du Front sandiniste de libération nationale renversait, au nom du pluralisme et de la lutte contre la corruption, le régime népotiste de la famille Somoza. Aujourd’hui, M. Ortega, à la tête du Nicaragua depuis 2007, après l’avoir gouverné de 1979 à 1990, est accusé par ses opposants d’être devenu le « dictateur » qu’il avait jadis combattu.

Le mouvement de contestation est né le 18 avril de la répression contre une manifestation s’opposant à une réforme de la sécurité sociale. C’est la goutte qui a fait déborder le vase du mécontentement contre un couple qui s’est emparé de tous les pouvoirs politiques, judiciaires, économiques, médiatiques et syndicaux. Depuis, les policiers, épaulés par des paramilitaires à la solde du gouvernement, attaquent au fusil d’assaut les protestataires qui tentent de se défendre avec les moyens du bord.

Déroute morale

Le duo présidentiel joue un double jeu pervers. M. Ortega appelle à la paix tout en qualifiant les protestataires de « putschistes sataniques » et dénonçant une « tentative de coup d’Etat ». Sous l’égide de l’épiscopat, une table des négociations s’est ouverte. Mais le gouvernement rejette les propositions de l’opposition : la fin de la répression, le départ du couple au pouvoir, des élections anticipées, la justice pour les victimes et la démocratisation des institutions.

Jeudi, M. Ortega a rassemblé des milliers de sympathisants à Managua, la capitale, afin de fêter l’anniversaire de la révolution. Un enjeu de poids pour revendiquer sa légitimité. Deux jours plus tôt, le gouvernement reprenait par la force la ville de Masaya (Ouest), un des bastions de la contestation. Une « opération de nettoyage », selon les organisations de défense des droits de l’homme, qui accusent le président de recruter des paramilitaires pour étouffer dans le sang l’opposition.

Cette victoire symbolique pour le gouvernement n’éclipse pas pour autant sa déroute morale, provoquée par un usage excessif de la force dénoncé par les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation des Etats américains (OEA). Mercredi, l’OEA a approuvé une résolution qui condamne les violations des droits de l’homme par le régime.

En face, M. Ortega dénonce « une conspiration des forces impérialistes », accusant les évêques d’y participer. La police, les fonctionnaires, les syndicalistes et les jeunesses sandinistes lui restent fidèles. Mais son régime clientéliste a perdu de nombreux piliers, dont les grands patrons, qui ont rejoint l’opposition. Quant aux généraux, ils ont déclaré que l’armée ne se mêlerait pas du conflit. En attendant, l’intransigeance du couple Ortega mène le pays à une impasse. La seule issue serait son départ du pouvoir et l’organisation rapide d’élections anticipées.