Migrants : Bruxelles avance sur sa proposition de « centres contrôlés » de débarquement
Migrants : Bruxelles avance sur sa proposition de « centres contrôlés » de débarquement
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
L’Italie a posé un ultimatum à ses partenaires européens, afin de trouver des solutions hors d’Italie pour les migrants sauvés en Méditerranée.
Des membres de la Croix-Rouge aident une jeune fille migrante à débarquer, à Algeciras, en Espagne, le 21 juillet. / JORGE GUERRERO / AFP
Pour l’instant, le chantage italien fonctionne : dans une communication rendue publique mardi 24 juillet, la Commission européenne propose de coordonner des « centres contrôlés » de débarquement des migrants, sur le sol européen, pour pallier le refus de Rome d’accueillir dans ses ports les bateaux de sauvetage des ONG. La semaine dernière à Bruxelles, le gouvernement italien a posé un ultimatum à ses partenaires européens, leur donnant cinq semaines afin de trouver des solutions de « débarquement » hors d’Italie pour les migrants sauvés en Méditerranée.
Preuve que la Commission est démunie face au manque de solidarité européenne et à la politique antimigrants d’un gouvernement populiste italien, spécialement de son ministre de l’intérieur, le leader de l’extrême droite, Matteo Salvini : la proposition européenne consiste surtout en de l’argent – 6 000 euros par migrant – dont bénéficieraient les pays de l’UE se portant volontaires pour créer ces centres sur leur territoire. Ces centres permettraient de « débarquer » ou de « transférer » les migrants en vue d’un retour dans leur pays d’origine ou d’une demande d’asile.
Ceux-ci pourraient être créés spécifiquement à chaque arrivée de navire, précise la Commission, avec comme « but premier d’améliorer le processus de distinction entre les individus en besoin de protection internationale et les migrants irréguliers qui n’ont pas le droit de rester dans l’Union européenne ». La Commission se propose d’y coordonner l’intervention des gardes-côtes européens et d’experts européens de l’asile. « Tous les coûts seront couverts par le budget de l’Union européenne », est-il précisé. Pour un débarquement d’environ 500 migrants, la Commission estime pouvoir mobiliser jusqu’à 300 spécialistes européens.
Ni « camps » ni centres de « détention »
Bruxelles espère éviter de futurs Aquarius ou Lifeline, du nom de ces bateaux d’ONG refusés en juin par les ports italiens, qui ont erré plusieurs jours en Méditerranée avant d’être recueillis, respectivement par l’Espagne et Malte. Dans ces deux cas, d’autres pays, dont la France, s’étaient portés volontaires, lors du débarquement, pour procéder à l’identification, au « tri » puis à l’accueil des migrants. Mais ces opérations, chaotiques, avaient mis en risque l’équipage des bateaux et donné une image déplorable du manque de solidarité européenne.
Reste un obstacle de taille. Pour l’heure, aucune capitale ne s’est portée volontaire pour accueillir de manière permanente ces centres « contrôlés » recommandés par le Conseil européen du 28 juin, même si la plupart des capitales reconnaissent que l’Italie a été jusqu’à présent livrée à elle-même. La France, qui refuse d’accueillir de tels centres, propose plutôt des centres fermés sur le sol italien, pour éviter les mouvements secondaires de migrants entre différents pays de l’Union.
La Commission a aussi fait des propositions mardi sur les « plates-formes de débarquement », destinées, elles, à accueillir les migrants hors de l’Union, conformément aux conclusions adoptées par les Vingt-Huit lors du conseil du 28 juin. Pour la Commission, il ne doit s’agir ni de « camps » ni de centres de « détention », contrairement à ce qu’ont souhaité plusieurs ministres de l’intérieur de l’UE, notamment l’Autrichien et l’Italien. Ces « plates-formes » pourraient être utilisées pour organiser l’envoi des demandeurs d’asile directement vers l’Union, mais devraient être établies « le plus loin possible des endroits de départs illégaux », précise la Commission, afin d’éviter tout « appel d’air ». Aucun pays n’est toutefois nommé.
629 migrants morts en juin
Il est entendu que ces « plates-formes » devraient être gérées par le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) et l’Organisme des nations unies chargé des migrations (OIM). Mais là encore, aucun pays du pourtour méditerranéen n’a pour l’heure accepté d’en héberger. Lundi 23 juillet, l’agence Reuters rapportait que la Tunisie refusait de recevoir un bateau d’ONG maltais, avec une quarantaine de migrants africains à bord, bloqué depuis une semaine au large de ses côtes.
Les ambassadeurs de l’Union doivent discuter de ces propositions bruxelloises dès mercredi 25 juillet et une réunion avec le HCR et l’OIM est également programmée le 30 juillet à Genève. Mais les choix politiques sur la localisation de ces centres devraient intervenir plus tard : les capitales ne sont manifestement pas prêtes. Si le nombre de passages en Méditerranée centrale a beaucoup chuté par rapport à 2017, le nombre de morts a été élevé, avec 629 migrants morts en juin en tentant de rejoindre les côtes européennes, selon l’OIM. En cause, selon l’organisation, la réduction de la présence des ONG en mer.
La situation pourrait s’avérer critique si les Européens ne parviennent pas à s’entendre cet été, après l’ultimatum de Rome pour redéfinir le mandat de « Sophia », l’opération militaire européenne de sauvetage en Méditerranée. Elle avait été lancée en juin 2015 à la suite d’une série de naufrages meurtriers en Méditerranée et a permis, à ce jour, de secourir près de 44 000 personnes. Dotée actuellement de six navires de pays de l’UE (Italie, France, Irlande, Espagne, Slovénie et Allemagne), et commandée par l’Italie, cette mission a pour but de lutter contre les passeurs et d’éviter les naufrages en Méditerranée centrale.