« Contes de juillet » : les balades amoureuses de Guillaume Brac
« Contes de juillet » : les balades amoureuses de Guillaume Brac
Par Mathieu Macheret
Le réalisateur signe, avec les élèves du Conservatoire d’art dramatique de Paris, un diptyque sur l’été et ses amours passagères.
Trois semaines après le documentaire L’Ile au trésor, de Guillaume Brac, jeune cinéaste français à la sensibilité douce-amère, sort Contes de juillet, son versant fictionnel, formant dans la foulée un diptyque informel sur l’été et ses amours passagères. Sous ce titre sont en fait rassemblés deux moyens-métrages – L’Amie du dimanche et Hanne et la fête nationale –, tournés dans le cadre d’un atelier avec les élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) et dans des conditions légères.
Tous deux se présentent comme des marivaudages estivaux ou des promenades sentimentales, dont la simplicité de façade et la netteté de trait font fortement penser au cinéma d’Eric Rohmer – Les Rendez-vous de Paris (1995), pour sa partition en sketches, ou L’Ami de mon amie (1987), pour son cadre banlieusard (la ville nouvelle de Cergy-Pontoise).
Dans le premier sketch, deux collègues de rayon d’un magasin de vêtements profitent d’une journée libre pour partir en virée sur la base de loisirs de Cergy, un petit coin de nature et de baignade aux portes de l’Ile-de-France (c’était aussi le décor de L’Ile au trésor). Sur place, un jeune agent de prévention, affublé d’un maillot orange, se montre entreprenant avec l’une d’entre elles, si bien que l’autre finit par en prendre ombrage. Les deux amies se séparent et vivent chacune de leur côté un petit moment d’aventure singulier, avant de rentrer ensemble à Paris, la nuit tombée.
Dans le second, Hanne, une étudiante étrangère, vit sa dernière journée à Paris, celle du 14 juillet, avant d’aller rejoindre son petit ami en Norvège. Mais les circonstances festives et les avances répétées des garçons (son colocataire italien, un godelureau rencontré dans la rue) semblent se liguer contre elle pour la suborner.
La fraîcheur des acteurs
La réussite de ces contes, aussi directs et laconiques qu’une carte postale, tient d’abord à la fraîcheur des acteurs, ces élèves du conservatoire qui font leurs débuts devant la caméra de Guillaume Brac. On ressent, à travers les deux films, une même curiosité pour ces visages encore inconnus, ces corps nouveaux, leurs intonations inédites et accents divers (surtout dans Hanne et la fête nationale, situé à la Cité universitaire de Paris), comme pour insuffler de l’air frais au cœur de la fiction. Chacun rend ainsi son personnage d’autant plus crédible et immédiat, comme autant d’apparitions successives. La plus surprenante est due à un personnage de pompier (Sipan Mouradian), qui exécute une danse insolite en plein dîner et entraîne le second sketch sur des pentes rêveuses.
Avec clarté et modestie, Brac brosse des fictions tendres et volatiles, quelque part entre l’esquisse et l’étude, d’un œil sûr et humaniste – ce qui le conduit à souvent cadrer ses personnages de pied, sans trop les « découper ».
Ses récits, d’apparence futile, prennent discrètement le tour d’apologues, où il est question de la distance imperceptible qui sépare l’amour de l’amitié, la camaraderie de la séduction. Distance dont les personnages auront à pâtir de la transgression et qui permet aussi de se mentir à soi-même (où l’on retrouve encore le motif rohmérien des Contes moraux). La légèreté chemine chaque fois vers une note plus grave : une image de la banlieue parisienne s’assoupissant dans la nuit ou l’annonce à la radio des attentats de Nice (les récits se déroulent en 2016). Car l’été est ainsi fait que la vacance insouciante doive toujours y céder le pas à une sensation d’anéantissement.
Film français de Guillaume Brac. Avec Milena Csergo, Lucie Grunstein, Hanne Mathisen Haga, Andrea Romano, Sipan Mouradian (1 h 10). Sur le web: www.filmsdulosange.fr/contes-de-juillet , www.facebook.com/filmslosange/