Tour de France : coup d’arrêt pour Romain Bardet
Tour de France : coup d’arrêt pour Romain Bardet
Par Clément Guillou (envoyé spécial au Col du Portet (Hautes-Pyrénées)
Le coureur d’AG2R La Mondiale ne montera pas sur un troisième podium d’affilée. Un échec collectif que son entourage peine à analyser.
Romain Bardet, distancé lors de la 17e étape du Tour, entre Bagnères-de-Luchon et Saint-Lary-Soulan, le 25 juillet. / Christophe Ena / AP
Puisque « la démarche (le) nourrit et non le résultat », alors Romain Bardet trouvera dans ce Tour de France à boire et à manger. Le Français de l’équipe AG2R La Mondiale a souffert mille maux mercredi dans la montée du col du Portet, celle-là même où il imaginait, avant le départ du Tour de France, que le maillot jaune se jouerait et qu’il serait dans le coup pour l’enfiler. En fait de quoi on le vit lâché à 6 kilomètres du sommet sur un relais de Wout Poels : le meilleur Français du Tour mis au supplice par le quatrième de cordée de l’équipe Sky. Frappé d’hypoglycémie, Bardet finissait au courage, dans la roue d’Alejandro Valverde, à près de deux minutes du maillot jaune Geraint Thomas qu’il accompagnait encore avant que la course dépasse le cap des 2000 mètres d’altitude. « C’est très malheureux mais il faut accepter, disait, dans les alpages, le huitième du classement général. J’avais de bonnes jambes sur l’étape mais j’ai senti que je manquais de sucre sur la derniere montée ; j’avais des maux de tête, j’étais complètement bridé. »
Même une hypothétique victoire vendredi, pour la dernière étape de montagne, ne ferait pas oublier ce Tour où rien n’est allé comme prévu pour Bardet. A 27 ans, sur un parcours qui devait lui convenir, il osait pour la première fois rêver tout haut d’une victoire finale à Paris. Après deux podiums, c’est un premier coup d’arrêt dans une carrière ascensionnelle, où l’Auvergnat cochait les cases devant le mener à la victoire sur le Tour, « step by step », comme on dit dans l’école de management dont il est diplômé. Il s’était aussi préparé à ce qu’un jour, l’aventure collective qu’il incarne tourne mal. En novembre dernier : « Le nombre de fois où je suis passé à deux doigts de la catastrophe sur cette course… Tout n’est pas dépendant de ma volonté. »
Latour n’est pas encore la relève
« C’est un Tour bizarre pour nous », admet son entraîneur Jean-Baptiste Quiclet, qui tente de comprendre. Il fait le compte des secondes perdues ; elles ont filé comme dans un sablier, par petits grains, inéluctablement. Faiblesse collective dans le contre-la-montre par équipes, problème mécanique à Mûr-de-Bretagne, faute tactique à La Rosière, panne de jambes à Mende puis au col du Portet. « C’est un Tour particulier de par la rapidité des tempos, le management de l’équipe Sky qui use et ne permet pas de faire grand-chose. Mais ça ne fait pas s’effondrer le projet global. Aucun élément objectif ne me fait dire qu’on a raté le virage. »
L’équipe AG2R La Mondiale, elle, a indéniablement fait un tout-droit, réduite à cinq hommes après la mi-Tour. Le contraste est saisissant entre le collectif conquérant du Tour de France 2017, seul à tenter de déstabiliser le schéma figé imposé par la Sky, et celui de 2018, démembré, déboussolé, mal inspiré.
Romain Bardet envisage sa conquête du Tour comme celle du marché international par une PME : il réclame une implication collective totale et le même professionnalisme qu’à la Sky, rien moins qu’une révolution culturelle pour une équipe française née il y a 26 ans. Il n’a eu ni l’un ni l’autre sur ces trois semaines, où les problèmes mécaniques dans l’équipe ont été nombreux, y compris dans l’étape de Roubaix où les trois crevaisons ne furent pas dues qu’à la malchance, mais aussi à un nombre insuffisant de boyaux adaptés aux pavés. Des craquelures sont apparues ici ou là dans le vernis d’une formation soudée autour d’un homme, des initiatives individuelles comme celles, a-t-il semblé, de Pierre Latour, rigolard maillot blanc. « Latour, y’a encore du travail, lâchait Vincent Lavenu, le manageur, au Portet. Il faut canaliser son énergie s’il ambitionne un jour de faire de bons classements généraux. Romain Bardet est notre leader et on se focalise sur lui. On doit lui faire confiance. Quand on s’investit à bloc comme Romain, ça va automatiquement remarcher. »