Viktor Orban se pose en recours contre Emmanuel Macron en vue des européennes
Viktor Orban se pose en recours contre Emmanuel Macron en vue des européennes
Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)
Le premier ministre hongrois ne « veut pas d’une Union européenne dirigée par la France »
Viktor Orban, à Berlin, le 4 juillet. / Hannibal Hanschke / REUTERS
Après avoir réformé la Hongrie depuis plus de huit ans, Viktor Orban se rêve-t-il désormais en grand ordonnateur européen ? On pourrait le penser, à la lecture de l’entretien qu’il a accordé au tabloïd allemand Bild, vendredi 27 juillet, et d’après le discours qu’il a prononcé, le lendemain, auprès de la minorité hongroise de Roumanie. Car ces deux prises de parole constituent un lancement de campagne à l’échelle continentale, dix mois avant le scrutin communautaire.
Le premier ministre souverainiste hongrois, surtout connu hors des frontières de son pays pour ses penchants autoritaires et ses propos hostiles aux demandeurs d’asile originaires d’Afrique et du Moyen-Orient, s’y dépeint comme le chef de file d’une nouvelle génération de dirigeants de l’Est, les « quatre-vingt-dizards », aptes à incarner l’avenir de la construction européenne. Il entend « dégager les élites de 1968 », qui œuvreraient à la mise en place d’un « socialisme européen ». « Heureusement », les « jours de la Commission européenne », protectrice de ces exécutifs désormais « nerveux », seraient « comptés ».
Il présente les élections européennes de mai 2019 comme « décisives », la campagne devant, selon lui, se concentrer sur les questions migratoires, seules susceptibles de « renverser l’élite libérale ». Les citoyens sont invités à trancher entre sa politique, radicale, et celle de Paris, qui continue de rejeter l’idée d’une Europe forteresse.
« Les Allemands en particulier doivent se montrer très attentifs », a-t-il affirmé aux journalistes de Bild. Car « l’idée des Français, fondamentalement, c’est d’imposer un leadership français, tout en le finançant par de l’argent allemand. Je rejette un tel projet. Nous ne voulons pas d’une Union dirigée par la France ».
« Occuper le terrain »
C’est la première fois que Viktor Orban attaque aussi frontalement Emmanuel Macron, même s’il se garde bien de le nommer. Outre les questions migratoires, il oppose à la France, qui veut renforcer l’intégration européenne, un retour à l’union des nations. Il souhaite une politique plus conciliante envers la Russie, alors même que la Hongrie est membre de l’OTAN. Il salue enfin la stabilité que Recep Tayyip Erdogan offre à la Turquie.
Son programme tient en cinq points : « protection de la culture chrétienne de l’Union par un rejet de l’idéologie multiculturelle », « protection du modèle de la famille traditionnelle et des enfants, qui ont le droit d’avoir un père et une mère », « protection des secteurs économiques nationaux stratégiques », « protection des frontières nationales avec un rejet de l’immigration » et enfin « égalité entre toutes les nations au sein de l’UE ».
« Le président français, qui œuvre pour une Europe plus ouverte et intégrée, conserve une capacité de rassemblement de toutes les forces libérales derrière lui. Viktor Orban l’a bien compris et tente de l’affaiblir, commente l’analyste politique Szentpéteri Richard Nagy. Certains disent que c’est parce qu’il a pour ambition de s’imposer à la tête de la Commission européenne après le scrutin, mais je ne pense pas qu’il y songe sérieusement. Sa ligne reste minoritaire : il a avec lui l’Italie, la Pologne, la Croatie, la Bavière et partiellement l’Autriche. Pas plus. Il le sait et je crois qu’il se sert simplement de la campagne des européennes pour occuper le terrain en Hongrie, afin d’y cimenter son pouvoir. »
De son côté, Emmanuel Macron laisse des membres du gouvernement français assumer publiquement cette mésentente avec Budapest. « Critiquer l’Europe de l’Ouest pour son manque de démocratie et saluer en même temps la Russie et la Turquie : plus c’est gros, plus ça passe ? », a ainsi tweeté, dimanche 29 juillet, Nathalie Loiseau, la ministre française chargée des affaires européennes, en réaction au discours de Viktor Orban prononcé la veille. Comme si le gouvernement français avait lui aussi intégré le bénéfice qu’il pouvait retirer d’une confrontation directe avec le dirigeant hongrois.