Kumi Naidoo, un Sud-Africain partisan de la désobéissance civile à la tête d’Amnesty
Kumi Naidoo, un Sud-Africain partisan de la désobéissance civile à la tête d’Amnesty
Par Adrien Barbier (Johannesburg, correspondance)
Après le Sénégalais Pierre Sané dans les années 1990, cet ancien de Greenpeace est le deuxième Africain à diriger l’organisation.
Le Sud-Africain Kumi Naidoo, nouveau secrétaire général d’Amnesty International, à Johannesburg, le 16 août 2018. / GULSHAN KHAN / AFP
Grand sourire et tunique en wax, Kumi Naidoo a choisi son pays natal, l’Afrique du Sud, pour ses premiers pas de secrétaire général d’Amnesty International. Ce militant chevronné, anti-apartheid de la première heure et ancien directeur exécutif de Greenpeace, prend les rênes de l’organisation à un moment où les droits humains traversent une période tumultueuse.
« Alors que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 va bientôt fêter ses 70 ans, de trop nombreux dirigeants contribuent malheureusement à faire reculer l’agenda sur les droits humains », a-t-il déclaré, jeudi 16 août à Johannesburg, lors de sa présentation à la presse. « Je parle surtout de Donald Trump, et s’il ne faut retenir qu’une question, c’est celle de la séparation des familles de migrants aux frontières, l’une des plus grandes atrocités de notre temps. »
Les injustices de l’apartheid
Après le Sénégalais Pierre Sané dans les années 1990, cet énergique quinquagénaire est le deuxième Africain à diriger Amnesty International. Né en 1965 à Durban dans une famille originaire d’Inde, il a grandi dans un township où il a très tôt fait face aux injustices de l’apartheid. Le régime raciste ne réglementait pas seulement les relations entre les Blancs et les Noirs, puisque deux autres « races » étaient compartimentées, les métis et les Indiens.
À 15 ans, sa vie s’accélère : il est renvoyé de son collège pour avoir organisé une manifestation. Puis, à 21 ans, il est arrêté, entre en clandestinité et s’exile au Royaume-Uni, où une bourse lui permet d’étudier à Oxford. En 2005, il est le premier Africain nommé à la tête de Greenpeace, où il s’illustre dans des actions directes comme l’occupation de plateformes pétrolières dans l’Arctique.
À Amnesty, Kumi Naidoo apporte ce penchant pour la désobéissance civile pacifique. « Parfois, une activité de désobéissance bien pensée peut avoir beaucoup plus d’impact qu’un épais rapport », confie-t-il en évitant de trop s’avancer, car il doit encore « en discuter longuement avec [ses] collègues ». Eux dont la spécialité, justement, est de produire des rapports fouillés…
Lettre au président zimbabwéen
Pour l’organisation créée en 1961, qui compte 7 millions de membres dans 70 pays, Kumi Naidoo voit les choses en grand : « Il faut rendre le mouvement plus large, plus audacieux et plus inclusif », explique t-il. Soit augmenter le nombre de membres, multiplier les actions coup de poing et travailler en concertation avec un maximum d’organisations. « Le combat pour les droits humains ne peut plus être l’apanage de quelques organisations spécialisées comme Amnesty, ça ne suffit plus », justifie-t-il.
Choisi avant tout pour sa stature internationale, il a symboliquement débuté son mandat en Afrique, « où la liste des violations des droits humains est tristement longue », dit-il. Mercredi, son premier acte de secrétaire général a été d’adresser une lettre au président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, pour demander une enquête sur l’enlèvement d’Itai Dzamara, un militant renommé enlevé en 2015 sans jamais réapparaître.
Humbled to join @amnesty as Secretary General today. My first act is to write to the next president of #Zimbabwe ab… https://t.co/JC3nVRehkh
— kuminaidoo (@Kumi Naidoo)
« On va se concentrer sur les disparations et les enlèvements politiques, comme ceux d’Itai, répond-il, questionné sur ses priorités pour le continent. Et plus largement, on va mettre l’accent sur la défense des libertés de réunion, d’association et d’expression, qui sont fondamentales pour permettre aux organisations d’exister et d’avoir un espace pour résister. »