Au Caire, sacrifier un mouton dans la rue est passible d’une amende
Au Caire, sacrifier un mouton dans la rue est passible d’une amende
A l’approche de l’Aïd el-Kébir, la capitale égyptienne a décidé de sévir contre une pratique jugée « barbare » et peu hygiénique.
Un vendeur de moutons au Caire, le 16 août 218. / KHALED DESOUKI / AFP
Des flaques de sang séchées au soleil, des restes d’animaux en putréfaction dans les rues… Au nom de la propreté et de la santé publique, les autorités du Caire, en Egypte, ont décidé de sévir contre l’abattage en plein air à l’approche de l’Aïd el-Kébir, mardi 21 août. Cette fête est célébrée chaque année par les musulmans, qui sacrifient un animal, souvent un mouton, conformément à la tradition islamique.
Mais pour Khaled Mostafa, porte-parole du gouverneur du Caire, l’abattage d’animaux dans les rues est une pratique « barbare et inacceptable ». Cette année, les responsables de chaque quartier ont donc reçu des instructions pour appliquer « de façon stricte » la loi interdisant l’abattage de rue, indique-t-il. Les contrevenants encourent une amende de 5 000 livres égyptiennes (environ 244 euros), voire plus en fonction de la gravité des faits.
L’enjeu est également financier. Selon M. Mostafa, le maintien de la propreté dans la capitale « coûte cher ». Les citoyens sont donc appelés à se rendre dans les abattoirs officiels contrôlés par l’Etat, en nombre suffisant au Caire, assure le porte-parole. Mais l’initiative des autorités ne s’est pas accompagnée d’une campagne de sensibilisation suffisante pour dissuader certains fidèles habitués à sacrifier leur animal en plein air.
Bouchers à domicile
Sur les marchés éphémères implantés dans la capitale égyptienne, les animaux hument la fumée des pots d’échappement et se nourrissent parfois des déchets qui tapissent les trottoirs de cette mégapole tentaculaire d’au moins 20 millions d’habitants, selon les chiffres officiels.
Dans le quartier populaire de Sayeda Zeinab, près du centre du Caire, plusieurs petits commerces exposent leurs moutons dans des ruelles non asphaltées et boueuses où circulent, en forçant le passage, les tricycles à moteur qui font office de taxis. Ici, les commerçants disent accueillir favorablement les mesures des autorités, à l’instar de Hussein Abou Al-Aziz : « C’est inacceptable d’abattre dans la rue, ça doit se faire dans un abattoir, avec un vétérinaire qui examine l’animal, et sous la supervision du ministère de la santé », s’exclame-t-il, entouré de vaches visiblement bien nourries et de moutons de diverses couleurs.
Ahmed Ragab, un père de famille de 50 ans, s’apprête à acheter un mouton et confie qu’il comptait l’abattre dans la rue, en bas de chez lui. « Mais c’est vrai que c’est sale et dangereux », finit-il par concéder. De nombreux clients pratiquent directement le sacrifice à la maison, faisant appel à des bouchers à domicile.
« Grand péché »
L’Organisation des Nations unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a établi des conditions générales d’hygiène strictes pour les endroits où les animaux sont abattus. Elle conseille « un programme de nettoyage et d’assainissement bien planifié et contrôlé », dans un endroit « éloigné des zones résidentielles ».
Les autorités religieuses ont relayé les appels contre cette pratique. Dar Al-Ifta, l’institution gouvernementale chargée de rendre des édits religieux, a qualifié les sacrifices de rue de « grand péché et crime grave ». Susceptible d’entraîner des maladies et épidémies, le fait de laisser traîner les restes de l’animal est de surcroît considéré comme « impur » par le Coran, a-t-elle indiqué ce mois sur son site Internet.
En périphérie du Caire, un petit marché de moutons s’est établi en bordure d’une grande route où passent des véhicules en trombe, juste à côté d’un chantier d’installation de tuyaux d’évacuation et d’assainissement des eaux usées. Les commerçants, qui ne souhaitent pas répondre aux questions de l’AFP, assurent « tout faire » pour satisfaire leur clientèle, y compris l’abattage en pleine rue. Loin des considérations de santé publique, ils se plaignent, comme le reste de la population, de la cherté de la vie dans une Egypte en plein marasme économique, où les prix ont connu dernièrement des hausses spectaculaires.