La guerre de la coquille Saint-Jacques au large de la Normandie
La guerre de la coquille Saint-Jacques au large de la Normandie
Insultes, jets de pierres et collisions, mardi, des pêcheurs français ont attaqué des britanniques, leur reprochant de piller le gisement de mollusques.
Au large de la baie de Seine, pêcheurs français et britanniques s’affrontent autour de la coquille Saint-Jacques. Mardi 28 août au matin, des bateaux normands ont cherché à faire fuir des britanniques d’un gisement de coquilles qu’ils tentent de préserver.
« Nous avons estimé à trente-cinq le nombre de bateaux français et à cinq le nombre de bateaux britanniques » , a rapporté Ingrid Parrot, porte-parole et directrice adjointe de la communicationde la préfecture de la Manche et de la mer du Nord.
« Une quarantaine de bateaux avaient pris la mer dans la nuit pour dénoncer les pêcheurs britanniques qui pillent le gisement de coquilles Saint-Jacques, selon Dimitri Rogoff, président du comité régional des pêches de Normandie. Les Français sont allés au contact des Britanniques pour les empêcher de travailler. Ils se sont frictionnés. Il y aurait eu des jets de pierres mais sans blessé ni casse. »
Entre fumigènes et injures, certains navires ont joué aux bateaux-béliers en fonçant sur d’autres, et trois embarcations présenteraient des trous dans leur coque, selon France 3 Normandie, qui a diffusé des images de l’altercation.
Relations tendues
La raison du litige : des réglementations différentes pour les pêcheurs des deux pays. Les Normands n’ont le droit de pêcher la coquille que du 1er octobre au 15 mai, tandis que les Britanniques n’ont pas de dates imposées.
« Pour les Britanniques, c’est open bar : ils pêchent quand ils veulent, où ils veulent et autant qu’ils veulent, dénonce M. Rogoff. On ne veut pas les empêcher de pêcher. Mais qu’ils attendent au moins le 1er octobre pour qu’on partage ça ensemble ! »
Cela fait une quinzaine d’années que les relations sont tendues entre pêcheurs de coquilles Saint-Jacques des deux côtés de la Manche. Car « depuis quinze ans, les pêcheurs anglais, écossais et irlandais ont augmenté leur effort de pêche de façon considérable », souligne M. Rogoff. Quelque soixante-dix bateaux britanniques et irlandais pêchent la coquille au large des côtes françaises, selon lui.
« Hypocrisie » des pêcheurs français
Les pêcheurs normands dénoncent en outre un deux poids deux mesures pour la taille des flottes, la pêche côté français se pratiquant de manière artisanale sur trois cents bateaux d’une quinzaine de mètres en moyenne, alors que les Britanniques exercent une pêche industrielle sur des bâtiments de plus de 30 mètres, dont le plus gros peut surgeler les coquilles à bord.
« La coquille en Normandie, c’est le produit phare, une ressource primordiale, un sujet très sensible », souligne M. Rogoff.
Des accords annuels avaient été conclus ces cinq dernières années pour apaiser les relations, mais les Français ont refusé de les signer cette année, du fait d’un « point de blocage ».
Le Brexit, s’il est dur, pourrait mettre un terme au problème. « Normalement, après le 29 mars 2019, ils seront considérés comme un pays tiers et n’auront plus accès à ces zones-là », dit le pêcheur normand.
Outre-Manche, un porte-parole de l’organisation pro-Brexit Fishing for Leave a au contraire dénoncé « l’hypocrisie » des pêcheurs français qui, avec les autres Européens, ont attrapé « 60% du poisson présent dans les eaux Britanniques » au cours des quarante dernières années.