Yannick Jadot, le 9 février 2017, à Montreuil. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Le député européen d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a souvent critiqué le bilan du gouvernement en matière environnementale. Il juge que le départ de Nicolas Hulot, ancien ministre de la transition écologique, est un « moment de clarification » nécessaire.

Comment expliquez-vous le départ de Nicolas Hulot du gouvernement ?

C’est l’accumulation de frustrations, de défaites, d’arbitrages qui se sont faits systématiquement au profit des lobbys, du vieux monde et au détriment de l’environnement et de la santé. L’arrivée de Nicolas Hulot était une belle promesse : qu’il y ait un changement de paradigme sur la transition énergétique, la biodiversité, l’agriculture, la santé… C’est la fin d’une illusion. Emmanuel Macron incarne un vieux monde ripoliné dont la dernière touche de vert a définitivement disparu. C’est un moment de vérité pour les Françaises et les Français. Il y a ceux qui parlent d’écologie et ceux qui la font. Nicolas Hulot a été manipulé par Emmanuel Macron qui lui a promis de grandes ruptures. Le président de la République a cajolé Nicolas Hulot dans la communication. Mais dès qu’il s’agit d’agir, il cajole les lobbys.

De quels lobbys parlez-vous ?

Ceux du vieux monde. De la chasse, du nucléaire, de l’industrie…

La décision de Nicolas Hulot rappelle celle de Delphine Batho en 2013. Est-ce impossible de défendre l’écologie dans un gouvernement qui n’est pas issu de cette famille politique ?

Il y a une grande différence, même si tous les deux partent frustrés. Delphine Batho n’était pas écolo quand elle est rentrée au gouvernement. Hulot était numéro 3 du gouvernement, ministre le plus populaire, écologiste le plus populaire… La désillusion est d’autant plus forte.

Il y a une réalité : même avec une telle personnalité, il y a d’un côté l’écologie de l’affichage et celle du courage qu’au Parlement européen, au Sénat, dans les collectivités, EELV incarne. C’est un moment de vérité et de clarification. Il y a des gouvernements qui agissent, d’autres pas. Des ministres se battent pour prolonger des systèmes polluants et maltraitants, il y a des intérêts extrêmement puissants qui continuent d’agir pour que rien ne change.

La République en marche vient de perdre la principale figure écologiste française. Est-ce un avantage pour vous à neuf mois des élections européennes ?

Que Nicolas Hulot soit contraint de démissionner n’est pas une bonne nouvelle. Au regard de la crise que nous traversons, l’écologie ne peut pas attendre les alternances. Il n’y a qu’une liste écologiste. Le statu-quo, confier la responsabilité politique aux lobbys, confier l’Europe au marché, c’est faire monter les populistes. C’est aggraver les situations.

J’entends rassembler les écologistes pour les élections européennes, sur une ligne sans ambiguïté. Tous ceux qui soutiennent nos propositions sont les bienvenus. L’écologie est au cœur du débat public. Finalement, contre les lobbys, le vieux monde, pour la recherche, l’innovation, la nouvelle industrie et des territoires ruraux vivants, c’est le programme écologiste qu’il faut suivre.

Vous n’êtes plus seul à tenir ce discours. Génération.s et La France insoumise le tiennent aussi. Comment allez-vous vous différencier ?

C’est la question des solutions. Il ne suffit pas d’être pour la biodiversité et contre les pesticides. Il faut avoir une ligne claire, cohérente. Quand Jean-Luc Mélenchon délègue aux extrêmes droites la destruction de l’Europe en faisant des européennes un scrutin national, il ne nous donne pas les moyens de sortir des pesticides avec une réforme de la PAC [politique agricole commune ]. Qui va porter l’industrie, la recherche, avec des moyens, pour avoir la transition énergétique ? Cela doit se faire à l’échelle continentale, pas derrière nos frontières. Je crois dans les convictions de Jean-Luc Mélenchon sur l’écologie. C’est bien qu’après quarante ans de productivisme, il réalise qu’il était dans l’erreur ! Mais nos solutions divergent.

Et par rapport à Benoît Hamon ?

Vous connaissez le programme de Benoît Hamon, vous ? Au regard de la crise démocratique, sociale, écologique européenne, je ne veux pas que ce scrutin soit instrumentalisé à des fins de politique nationale, que ce soit la revanche de 2017 ou la préparation de 2022. Que ce soit la refondation de la gauche. Je ne veux pas d’accords d’appareil qui créent la confusion.