Britney Spears s’offre un flash-back en play-back
Britney Spears s’offre un flash-back en play-back
Par Bruno Lesprit
L’ancienne « princesse de la pop » s’est produite, mardi, pour la première de ses deux dates parisiennes après sept ans d’absence des tournées.
Britney Spears lors de son show Piece of Me, présenté pendant quatre saisons, depuis la fin 2013, en résidence à Las Vegas (Nevada). / MIKE WINDLE / GETTY / IHEARTMEDIA AFP
« Non mais heureusement qu’elle chante en play-back, parce qu’elle a vraiment une voix horrible ! » Même les fans, à commencer par cette jeune femme qui a assisté pour la première fois à un concert de Britney Spears quand elle avait 14 ans, ne se font pas la moindre illusion sur la réalité de la performance vocale de la chanteuse américaine, après le premier de ses deux concerts à l’AccorHotels Arena (ex-Palais omnisports de Paris-Bercy), mardi 28 août.
Il est vrai que son timbre est extrêmement désagréable – un cri perçant proche de l’hystérie – quand il a résonné lors de ses rares adresses au public, les seules fois où l’on avait la certitude d’entendre sa voix en direct. Notamment pour saluer « Paaariiis » ! Ce soir-là, elle savait au moins où elle chantait, cela n’a pas toujours été le cas.
Le sujet du play-back a fait l’objet d’une polémique depuis les débuts de Piece of Me, un show que Britney Spears a présenté pendant quatre saisons, depuis la fin 2013, en résidence à Las Vegas (Nevada), et décliné dans une version appauvrie pour les besoins d’une tournée internationale. La voix lead est doublée, triplée, quadruplée – sans évoquer les effets pour la booster – alors que seule la star est équipée d’un micro. Aucun souffle n’est audible alors qu’elle passe son temps à gigoter. L’accusée a fini par admettre qu’il s’agissait d’un « mélange de [sa] voix et de play-back ».
Dans ce métier, ce subterfuge garantit d’ordinaire la honte, qui peut ruiner une carrière. Impossible que pareille mésaventure advienne à l’ex- « princesse de la pop », descendante du « roi » Michael Jackson et de la « reine » Madonna, qui eurent, eux aussi, recours au play-back sous les contraintes chorégraphiques. C’est que Britney Spears exerce un pouvoir de fascination intact parce qu’elle a réchappé à tout : les émissions du Mickey Mouse Club qui l’ont fait connaître, les paparazzis, l’hôpital psychiatrique et la cure de désintoxication, la mise sous tutelle, les moqueries sur les réseaux sociaux.
Plus borderline qu’elle dans le star-system américain de la chanson, il faut remonter à Michael Jackson et, auparavant, à Elvis. Comme Presley, elle vient du Sud baptiste, est taraudée entre concupiscence et conservatisme moral. Comme lui, elle a choisi de se protéger de la célébrité en optant à un âge précoce pour le confort de Las Vegas, traditionnellement un circuit pour les préretraités.
Six passages au vestiaire
Son entrée en scène en body noir et bottes de dominatrice sur Work Bitch (un manifeste) produit son effet. Gradins debout et hurlements de jeunes adultes pour accueillir l’ancienne impératrice de la teen pop – en l’absence d’adolescents, probablement plus nombreux aux concerts des Rolling Stones.
L’attente fut longue puisque son dernier passage en France remontait à octobre 2011. Il faut dire aussi qu’un faire-valoir officiait en première partie : il a fallu endurer la dance latino de Pitbull (ambianceur de Miami), envoyée par un informaticien et illustrée par six gogo girls dont les interventions se réduisent à secouer sans relâche leurs postérieurs.
Après un tel assaut de vulgarité, Britney ne pouvait qu’irradier. Elle, au moins, paie quatre musiciens (guitare, basse, batterie, claviers), même si elle les relègue dans l’obscurité, et pas moins de douze danseuses et danseurs. Les chorégraphies ne brillent malheureusement pas par leur singularité, à peine dignes d’une cérémonie d’ouverture de Coupe du monde.
Débarrassée du chant, la maîtresse de cérémonie tente de transformer l’enceinte en night-club, en répétant rapidement les mêmes gestes de pom-pom girl, comme une poupée mécanique. Le premier de ses six passages au vestiaire fait monter la température pendant que ses danseurs s’affublent de longues capes noires et que volent sur l’écran des oiseaux de malheurs hitchcockiens. Elle réapparaît dans une improbable tenue arachnéenne pour un medley… Baby One More Time/Oops ! I Did It Again, deux tubes si bien ficelés qu’ils défient le temps.
Ce qui sauve son show est en effet le répertoire, le meilleur dans sa catégorie, une dance-pop mâtinée de R&B, généralement concoctée par des cadors de ces deux genres, qui peuvent s’associer à cinq par chanson. A 36 ans, elle néglige déjà son dernier album, Glory (2016), pour s’adonner au flash-back, de Gimme More en I’m a Slave 4 U, de Circus (avec redingote de dresseuse de fauves) en Toxic. Livré dans un décor de jungle aux plantes carnivores, cette grande œuvre associant cordes bollywoodiennes et guitare surf reste un des plus addictifs singles de la décennie 2000.
Britney Spears, AccorHotels Arena, mercredi 29 août, de 67,50 à 95 €.