Aléna : les négociations avec le Canada suspendues
Aléna : les négociations avec le Canada suspendues
Les négociateurs des deux pays sont toutefois convenus de reprendre leurs tractations dès mercredi prochain.
Les négociations entre le Canada et les Etats-Unis pour moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) ont été brutalement interrompues vendredi 31 août. Les négociateurs des deux pays sont toutefois convenus de reprendre leurs tractations dès mercredi prochain.
Les discussions semblaient sur le point de déboucher sur un accord quand Donald Trump a jeté un pavé dans la mare en affichant une ligne intransigeante envers Ottawa. « Nous reprendrons les négociations la semaine prochaine », a annoncé un haut responsable canadien, proche des discussions.
Le représentant américain au commerce (USTR), Robert Lighthizer, a fait savoir par un communiqué que les discussions reprendraient mercredi 5 septembre, évoquant « des discussions constructives » et « des progrès » accomplis au cours des réunions qui se sont tenues cette semaine à Washington.
Propos très durs
Le président états-unien avait confirmé plus tôt dans un tweet des propos très durs tenus à l’égard de son principal partenaire commercial ayant fuité, malgré lui, dans la presse. Le locataire de la Maison Blanche s’est indigné que ses propos tenus en toute confidence devant des journalistes aient été publiés, mais « au moins, le Canada sait à quoi s’en tenir ! », a-t-il dit.
Selon le quotidien canadien Toronto Star, le président républicain a confié à ses interlocuteurs que l’administration entendait ne faire aucun compromis avec le Canada et qu’un accord potentiel se ferait « uniquement à [ses] conditions ». Donald Trump souligne qu’il s’abstient de le dire publiquement, car « ce serait si insultant qu’ils ne pourr[aient] pas trouver d’accord ». « Le Canada est un pays habile pour trouver des compromis gagnant-gagnant. Cela étant dit, dans une négociation, nous nous battons toujours dans l’intérêt national », avait déclaré dans la matinée Chrystia Freeland, la ministre des affaires étrangères canadienne. « C’est ce que nous continuerons à faire. Nous cherchons un bon accord, pas n’importe quel accord », avait-elle dit en forme de mise au point.
Pas de concession
« Nous n’accepterons qu’un accord qui est un bon accord pour le Canada. Nous n’y sommes pas encore », avait-elle également fait savoir. Son ton tranchait déjà très nettement avec celui de la veille, quand elle parlait d’« optimisme » et soulignait la bonne volonté des deux parties d’arriver à un accord.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a estimé qu’il était toujours « très possible d’avoir un accord qui fonctionne pour tout le monde ». Il a toutefois immédiatement réaffirmé que « pas d’accord est mieux qu’un mauvais accord ».
Alors qu’Ottawa et Washington semblaient proches d’un accord jeudi, les propos de Donald Trump ont fait dérailler les tractations. « Il faut qu’ils se débarrassent de ces barrières et de ces tarifs », avait-il déjà dit jeudi soir lors d’un meeting électoral, jetant un premier froid sur les discussions en cours.
Pour la première fois depuis le début des pourparlers intenses que tiennent les deux pays depuis mardi dans la capitale américaine, les services de Robert Lighthizer ont communiqué sur les négociations, soulignant que le Canada n’avait fait « aucune concession sur l’agriculture », à savoir le mécanisme de protection du secteur laitier.
Ce secteur est actuellement en grande partie exclu de l’Aléna, et Ottawa se montre inflexible sur sa volonté de défendre « la gestion de l’offre », un système contrôlant la production et le prix du lait, des œufs et de la volaille produits par les éleveurs canadiens.
Mis en place dans les années 1970, il assure des revenus stables et prévisibles aux fermiers canadiens. Mais les Etats-Unis, dont la production de lait est excédentaire, souhaitent un plus grand accès au marché canadien.
Echéance politique
Le président américain avait imposé comme date butoir vendredi pour trouver un compromis.
C’est lui aussi qui avait imposé de manière unilatérale au Canada et au Mexique la renégociation de l’Aléna il y a un peu plus d’un an, jugeant cet accord « désastreux » pour l’économie américaine et dénonçant un traité qui s’est traduit par un important déficit commercial avec Mexico (63,6 milliards de dollars en 2017).
Vendredi est une échéance butoir à double titre : d’une part, un nouveau texte doit être soumis au Congrès américain pour respecter un délai de quatre-vingt-dix jours donnant la possibilité d’une approbation d’un nouveau texte par la majorité actuelle. Et, d’autre part, au Mexique, pour permettre au gouvernement sortant de donner son aval avant de laisser la place au président nouvellement élu, Andrés Manuel Lopez Obrador, qui doit prendre ses fonctions le 1er décembre.
Washington et Mexico s’étaient entendus dès lundi sur toute une série d’aménagements du traité. Les grandes lignes d’un nouvel Aléna comprennent de nouvelles dispositions sur le commerce de l’automobile, avec un pourcentage plus élevé de composants produits localement, des protections plus strictes pour les travailleurs et une disposition permettant de revoir l’accord tous les six ans.
Chrystia Freeland avait révélé que le Canada et les Etats-Unis étaient déjà arrivés « à un accord de haut niveau » concernant l’automobile au printemps. C’était l’un des points essentiels de l’accord commercial entre le Mexique et les Etats-Unis annoncés lundi par Donald Trump. Outre le secteur laitier, Ottawa entend maintenir un dispositif de règlement des différends qui lui a été favorable par le passé pour défendre son bois de construction.
Sur le front politique, l’équation est à haut risque pour le chef du gouvernement canadien, Justin Trudeau. Des élections doivent avoir lieu dans un an, et il lui faut éviter d’apparaître comme capitulant devant le président américain.