Ariane Mnouchkine et Robert Lepage présenteront bien « Kanata » à la Cartoucherie de Vincennes
Ariane Mnouchkine et Robert Lepage présenteront bien « Kanata » à la Cartoucherie de Vincennes
La pièce avait été annulée en juillet sous la pression de minorités autochtones canadiennes.
Après avoir décidé, le 27 juillet, sous la pression de minorités autochtones canadiennes, d’annuler les représentations prévues de la pièce Kanata, qui devait être donnée cet automne à la Cartoucherie de Vincennes, Ariane Mnouchchkine, directrice de la troupe du Théâtre du Soleil, et Robert Lepage, metteur en scène québécois de la pièce, ont fait le choix de maintenir leur spectacle, qui sera présenté en décembre.
Dans un communiqué publié le 5 septembre et titré « Le ressaisissement », les deux artistes disent « ne pas vouloir céder aux tentatives d’intimidations idéologiques ». La pièce évoque les persécutions subies par les Indiens et les Amérindiens, victimes d’un déni de leur culture. « Notre invisibilité dans l’espace public, sur la scène, ne nous aide pas. Et cette invisibilité, Madame Mnouchkine et Monsieur Lepage ne semblent pas en tenir compte, car aucun membre de nos nations ne fera partie de la pièce », avaient dénoncé, dans une tribune publiée le 14 juillet dans Le Devoir, un collectif d’artistes et d’intellectuels canadiens.
Ariane Mnouchkine et Robert Lepage ont changé le nom de la pièce pour sa présentation dans le cadre du Festival d’automne. Ils l’ont renommée Kanata – Episode I – La Controverse. Le Théâtre du Soleil n’a pas précisé si, comme prévu initialement, la pièce serait aussi présentée plus tard au Canada.
Sur le Web : www.theatre-du-soleil.fr
Communiqué publié mercredi 5 septembre par le Théâtre du Soleil
« Le ressaisissement »
« Après avoir, comme ils l’avaient annoncé dans leur communiqué du 27 juillet, pris le temps de réfléchir, d’analyser, d’interroger et de s’interroger, Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil sont finalement arrivés à la conclusion que Kanata, le spectacle en cours de répétition, ne violait ni la loi du 29 juillet 1881 ni celle du 13 juillet 1990 ni les articles du Code pénal qui en découlent, en cela qu’il n’appelle ni à la haine, ni au sexisme, ni au racisme ni à l’antisémitisme ; qu’il ne fait l’apologie d’aucun crime de guerre ni ne conteste aucun crime contre l’humanité ; qu’il ne contient aucune expression outrageante, ni terme de mépris ni invective envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, ou une religion déterminée.
Ne s’estimant assujetti qu’aux seules lois de la République votées par les représentants élus du peuple français et n’ayant pas, en l’occurrence, de raison de contester ces lois ou de revendiquer leur modification, n’étant donc pas obligé juridiquement ni surtout moralement de se soumettre à d’autres injonctions, même sincères, et encore moins de céder aux tentatives d’intimidation idéologique en forme d’articles culpabilisants, ou d’imprécations accusatrices, le plus souvent anonymes, sur les réseaux sociaux, le Théâtre du Soleil a décidé, en accord avec Robert Lepage, de poursuivre avec lui la création de leur spectacle et de le présenter au public aux dates prévues, sous le titre Kanata – Episode I — La Controverse.
Une fois le spectacle visible et jugeable, libre alors à ses détracteurs de le critiquer âprement et d’appeler à la sanction suprême, c’est-à-dire à la désertification de la salle. Tous les artistes savent qu’ils sont faillibles et que leurs insuffisances artistiques seront toujours sévèrement notées. Ils l’acceptent depuis des millénaires. Mais après un déluge de procès d’intention tous plus insultants les uns que les autres, ils ne peuvent ni ne doivent accepter de se plier au verdict d’un jury multitudineux et autoproclamé qui, refusant obstinément d’examiner la seule et unique pièce à conviction qui compte c’est-à-dire l’oeuvre elle-même, la déclare nocive, culturellement blasphématoire, dépossédante, captieuse, vandalisante, vorace, politiquement pathologique, avant même qu’elle soit née. Cela dit, et sans renoncer à la liberté de création, principe inaliénable, le Théâtre du Soleil s’emploiera sans relâche à tenter de tisser les liens indispensables de la confiance et de l’estime réciproques avec les représentants des artistes autochtones, d’où qu’ils soient, déjà rencontrés ou pas encore.
Artistes à qui nous adressons ici notre plus respectueux et espérant salut. »