Emmanuel Maurel (PS) durant l'université d'été de La France insoumise à Marseille, le 25 août. / Arnold Jerocki/ Divergence pour Le Monde

En bon cinéphile, Emmanuel Maurel doit s’amuser de la situation. Son rapprochement avec La France insoumise (LFI) fait penser aux affres de la séduction des films d’Eric Rohmer. Ce conte d’automne politique doit connaître une nouvelle étape du vendredi 7 au dimanche 9 septembre, à Marseille. Emmanuel Maurel, avec sa camarade de la gauche du Parti socialiste Marie-Noëlle Lienemann, organisent l’université de rentrée de leur club, Nos causes communes, fondé avec le MRC. L’objectif : montrer que l’union de la gauche est (encore) possible en faisant dialoguer tout ce spectre politique syndical et associatif. Seront donc présents, entre autres, Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT ; le philosophe Henri Pena-Ruiz ; Aude Lancelin, directrice du site Le Média ou encore David Cormand, secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts.

Mais le clou du week-end aura lieu dimanche matin avec l’intervention de Jean-Luc Mélenchon, lors d’une conférence traitant de « la souveraineté populaire face aux marchés ». Il y a quinze jours, c’est Emmanuel Maurel qui avait animé une table ronde sur le libre échange lors de l’université d’été de LFI.

« Faire ça proprement »

Ce pas-de-deux a commencé il y a bien longtemps. M. Maurel, chef de file de la gauche du PS qui a réuni 18,80 % lors du congrès d’avril, n’a jamais caché sa proximité personnelle et politique avec le leader des « insoumis ». L’ancien popereniste et l’ancien lambertiste se voient régulièrement, et ont tous deux de fortes convictions républicaines, un attachement à la laïcité, se retrouvent sur la défense des frontières, vouent une admiration sans faille à François Mitterrand… Et, surtout, partagent un goût immodéré pour la littérature et la pensée politique. Bref, ils sont faits pour s’entendre, malgré leurs divergences sur la stratégie populiste de gauche. Les élections européennes de mai 2019 peuvent être l’occasion pour les deux hommes de travailler ensemble.

La « gauche républicaine » se réunit à Marseille

Pendant trois jours, du 7 au 9 septembre, (presque) toute la gauche se réunira au parc Chanot à Marseille, pour l’université de rentrée de « Nos causes communes ». Ce club a été lancé au printemps par l’aile gauche du Parti socialiste (Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann) ainsi que par le MRC. Il entend faire vivre la « gauche républicaine », et met en avant la République, la laïcité et les questions économiques et sociales. Il défend aussi la stratégie d’union de la gauche. Outre les intervenants politiques et syndicaux classiques (les représentants des partis de gauche gouvernementale, des philosophes et des syndicalistes), un débat aura lieu autour de la série Baron noir, dont Emmanuel Maurel est un fan, avec le scénariste Eric Benzekri.

« J’ai toujours dit qu’il fallait travailler avec La France insoumise, affirme le député européen. Olivier Faure [le premier secrétaire du PS] a fait un choix : les déçus du macronisme reviendront au PS, donc on doit être de centre gauche. Si c’est le choix qu’il fait, ce sera sans moi. J’ai peur de l’inertie, peur que l’on ait le même slogan qu’en 1999, “Et maintenant l’Europe sociale”… » En clair, M. Maurel redoute une campagne européenne creuse, sans idées nouvelles. Le retour au premier plan de François Hollande est un autre argument en la défaveur du maintien au sein du PS.

De son côté, La France insoumise a treize places vacantes sur sa liste pour le scrutin européen. Et pourrait offrir une place éligible à M. Maurel − qui est eurodéputé sortant − avec une ligne politique qui lui correspond. Pour le retenir, certaines figures socialistes militent pour qu’il prenne la tête de liste PS mais le programme trop libéral à son goût pose problème. « La tête de liste n’a de sens que s’il y a un contenu politique », résume Mme Lienemann.

« Je ne crois pas à l’option du départ, avance de son côté Rachid Temal, sénateur socialiste, qui participera à l’université de rentrée de M. Maurel. Ce week-end, je me rends à une réunion de camarades socialistes. » Il ajoute : « Il faut rassembler tous les socialistes, encore faut-il qu’ils le veuillent. C’est comme dans un couple… »

« Mettre Olivier Faure au pied du mur »

La France insoumise, elle, est ravie de cette « prise de guerre » éventuelle qui affaiblirait encore plus le PS, l’amputant de son aile gauche, mais comme le dit un député insoumis en vue : « Il faut que l’on fasse ça proprement ». Pas question, donc, de hâter les choses. M. Maurel et Mme Lienemann veulent d’abord mener la bataille à l’intérieur du PS en présentant une liste de dix points lors du bureau national du 18 septembre. Ce document abordera la politique économique et sociale en Europe mais aussi les questions stratégiques. « Il faut savoir quels moyens on se donne pour créer un rapport de force. Il faut aussi repenser notre rapport à la social-démocratie. On va essayer de convaincre », décrypte Emmanuel Maurel.

Marie-Noëlle Lienemann a déposé « Les socialistes » à l’INPI et déclaré une association du même nom

Même si M. Maurel s’en défend − « aucun départ n’est acté, les choses sont encore ouvertes », assure-t-il − l’idée est de « mettre Olivier Faure au pied du mur », selon le mot de Mme Lienemann. « Il faut proposer une stratégie alternative, défendre une liste commune de toute la gauche, des Verts aux insoumis, explique la sénatrice de Paris qui a adhéré au PS en 1971. On ne veut pas partir honteux. Nous portons une partie de l’identité socialiste, celle de Jaurès, la République jusqu’au bout. »

Si M. Faure refuse l’adoption de la « feuille de route », alors, un parti serait fondé, qui passerait un accord avec La France insoumise en vue des élections européennes. Avec, à terme, la possibilité de rejoindre le mouvement de M. Mélenchon, qui accueille les partis en son sein via son « forum politique ». Quoi qu’il en soit, l’annonce d’un départ du PS ne devrait pas avoir lieu avant l’automne.

Cette nouvelle formation devrait, en tout cas, avoir le terme « socialiste » dans son nom. Marie-Noëlle Lienemann ayant déposé « Les socialistes » à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et déclaré une association du même nom, quand certains voulaient changer le nom du PS, fin 2015. Prudence est mère de sûreté.