La chirurgie de l’obésité serait mal encadrée
La chirurgie de l’obésité serait mal encadrée
Par Pascale Santi
Un rapport de l’IGAS pointe les carences d’une pratique de plus en plus répandue en France, notamment sur le suivi des patients, avant et après l’opération.
« Il n’est pas acceptable que la chirurgie bariatrique soit aussi peu encadrée et suivie », souligne un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), piloté par le docteur Julien Emmanuelli, rendu public lors d’un colloque mercredi 5 septembre au ministère de la Santé. Depuis plusieurs années, la chirurgie de l’obésité a le vent en poupe. Le nombre d’interventions a triplé en dix ans, pour atteindre environ 50 000 chaque année, soit environ 500 000 personnes concernées.
Mais cet essor « n’est pas sans poser de sérieuses questions ». « Une part non négligeable des indications est excessive ou mal posée » et les pratiques « faiblement encadrées », pointe l’IGAS.
De quoi s’agit-il ? Il existe trois techniques : l’anneau gastrique autour de la jonction entre l’œsophage et l’estomac, très utilisé il y a dix ans, aujourd’hui devenu marginal ; la gastrectomie longitudinale (appelée « sleeve »), qui réduit l’estomac d’environ deux tiers, continue de progresser ; et le by-pass (court-circuit gastrique). Selon les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), la chirurgie bariatrique, indiquée en deuxième intention, est réservée aux patients dont l’indice de masse corporelle (IMC, poids divisé par la taille au carré) dépasse 40 kg/m2, voire 35 lorsqu’une (ou plusieurs) maladie(s) est (sont) présente(s) (diabète de type 2, maladies cardio-vasculaires, articulaires, etc.) Mais ces recommandations sont loin d’être toujours respectées. Pire, « des personnes obèses qui pourraient utilement bénéficier de la chirurgie bariatrique n’y ont pas accès », pointe ce rapport.
On parle d’obésité lorsque l’IMC dépasse 30 kg/m2. Elle touche en France 17 % environ de la population adulte (7,6 millions de personnes), tandis que la moitié de la population est en surpoids. Paradoxe, si ces taux sont moindres que dans d’autres pays industrialisés, l’Hexagone figure parmi les pays qui opèrent le plus de l’obésité dans le monde.
Disparités selon les régions et les établissements
Certes, le rapport indique que « l’efficacité de la chirurgie de l’obésité est établie », des études montrent en effet sa supériorité par rapport aux autres prises en charge sur la perte de poids d’environ 30 % et la diminution des risques de surmortalité. Mais cette chirurgie n’est pas sans conséquence, « sur le psychisme » et sur la fonction digestive (des carences nutritionnelles peuvent survenir), rappelle l’IGAS. Or, le suivi des patients est défaillant. Le rapport pointe « des lacunes significatives dans la préparation des personnes (bilans, informations des personnes et des médecins traitants…) » et une partie « importante » des opérés « ne bénéficierait pas d’un suivi post-opératoire approprié, voire même de suivi ». Sans parler des « perdus de vue »… Le « parcours de soin » recommandé ne semble que rarement mis en place.
Autre écueil, de fortes disparités de prise en charge selon les régions et les établissements hospitaliers. Le rapport préconise donc un encadrement de ces pratiques, notamment le suivi des patients, une évaluation, de la recherche, « une vigilance clinique et épidémiologique ». Il formule 33 recommandations pour améliorer cette situation et mieux accompagner les patients. Au-delà, prône le rapport, « il est impératif de mieux prendre en compte la prise en charge de l’obésité » dans son ensemble, en termes de repérage, de recherche, de coordination entre les acteurs, en associant plus le médecin traitant…
Autre point, s’agissant des mineurs (plus de cent interventions annuelles), il est selon le rapport impératif de respecter les recommandations, notamment de les limiter à des centres spécialisés. « La pertinence des soins est un enjeu qui me tient à cœur, particulièrement en ce qui concerne la chirurgie bariatrique chez les jeunes », a rappelé la ministre de la Santé Agnès Buzyn mercredi à l’issue du colloque sur l’obésité. « Il est essentiel de lutter contre les préjugés et les risques de stigmatisation qui entourent parfois les personnes souffrant
d’obésité », a insisté la ministre.