Compota de Manana : « On joue de la timba hardcore »
Compota de Manana : « On joue de la timba hardcore »
Propos recueillis par Yannick Le Maintec
Ils ont été la révélation du festival Toros y Salsa. Leur album s’annonce comme la sensation latino de l’automne. Entretien avec Erik Ibars Castillo, co-leader du groupe barcelonnais Compota de Manana.
Compota de Manana / Compota de Manana
Dimanche 9 septembre à Dax des extraterrestre venus de Barcelone ont affolé les compteurs à coup de guitares décomplexées, de cuivres de folie et de percus à tout faire péter. Ils s’appellent Compota de Manana, s’apprêtent à sortir leur premier album, et parce que leur réputation dans le milieu des musiciens s’est répandue comme une trainée de poudre, on vous parie qu’il vont faire un carton. Le jazz et la salsa a rencontré Erik Castillo, batteur, chanteur et co-fondateur de Compota de Manana.
Quelle est la signification du terme cubain « manana »
A Cuba, le terme manana est utilisé par les rumberos, les personnes qui s’intéressent au folklore pour définir quelqu’un qui joue avec coeur, sensibilité, authenticité, talent.
La rumba a été (est toujours) si présente dans l’idiosyncrasie cubaine que l’expression manana a dépassé la sphère musicale pour décrire une bonne personne ou une personne talentueuse, ou simplement ce qui vient du coeur.
C’est la raison pour laquelle nous tenions avoir ce mot dans notre nom. La compote est dense, juteuse, goûteuse. Nous sommes un mélange de gens et de genres, une « compota de manana ».
On sait bien que la plupart des gens dans le monde entier ne connaissent pas ce mot, qu’ils vont le confondre avec “mañana” (demain), “manzana” (pomme), ou “banana” (banane). Ça nous amuse beaucoup.
Pouvez-vous nous présenter le projet ?
On a eu l’idée de « Compota de Manana » il y a trois ans. J’ai étudié la musique à Cuba. J’ai toujours considéré Cuba comme ma deuxième maison, la première même parfois. La musique que j’ai étudié est cubaine, et pendant que j’apprenais les percussions le folklore local m’a collé à la peau.
En rentrant de Cuba, j’ai rencontré Pardo et Manu Masaedo. J’ai réalisé tout ce que nous avions en commun, notre vision et notre amour de la musique cubaine. Nos goût se rejoignaient également sur des styles aussi divers que le rap, le rock ou le jazz. Toute notre jeunesse avait été marquée par le mélange de ces genres.
On a réalisé que la musique qu’on aimait tous les trois, la timba, la musique populaire cubaine née dans les années 90, était issue du folklore cubain et du tumulte de l’époque, et d’autres genres musicaux du moment comme le jazz, le funk, le R’n’B.
A partir de là, pourquoi pas appliquer cette approche à notre timba ? Pourquoi ne pas parler de ce qui se passe maintenant, en ce moment ? Pourquoi ne pas mélanger le folklore que nous aimions tant avec les genres que nous connaissions et avec lesquelles on avait grandi ?
La réponse était évidente. On a décidé de le faire, de travailler pour ce en quoi nous croyions, sans se comparer à qui que ce soit ou à quoi que ce soit.
Voilà comment est né « Compota de Manana », avec cet album qui s’appelle La Alternatimba, une timba alternative ou encore une alternative à la timba, ou juste la musique dans laquelle on croit.
J’ai trouvé le concert que vous avez donné à Toros y Salsa plus rock que timba, en quelque sorte de la timba… hardcore ?
C’est exactement ça. J’adore l’idée. On joue de la timba hardcore !
Ce qu’on souhaite, c’est donner un live-show que tout le monde puisse aimer, avec de l’engagement et de l’énergie.
On n’a pas fait express de mettre en avant certains instruments comme la guitare électrique. On n’a pas non plus voulu adapter le spectacle au lieu ou au public parce que notre objectif est d’être fidèles à nous-même pour obtenir un résultat plein d’énergie, plaisant à jouer et puis voir ce que ça donne. Au fond ç’est l’idée : s’amuser et prendre du plaisir !
On a du mal imaginer que le concert que vous avez donné dimanche à Dax était le deuxième, et que le tout premier a eu lieu mercredi dernier...
On a été super-content du résultat et de la réception du public. Mais on sait aussi qu’un long chemin nous attend. On a beaucoup répété afin que chacun puisse donner le meilleur de lui-même au public, les gens qui nous suivent, qui ont payé leur place et pris du temps pour venir nous voir.
Vous jouez ensemble depuis longtemps ?
Avec certains, Pardo par exemple (piano), Ori (timbales) ou Albert (trombone) qui est aussi en charge de la section de cuivres. Pour d’autres c’est la première fois, comme par exemple Jannier Rodriguez, ancien membre d’Havana d’Primera.
Il faut aussi dire que, même si Pardo [le co-fondateur du groupe] et moi sommes là depuis le début, tous les membres du groupe sont essentiels. Pour réussir à travailler ensemble, les qualités humaines sont aussi importantes que les qualités artistiques. Petit à petit, le groupe devient une petite famille où chacun aide les autres et apporte sa contribution.
Erik, vous avez étudié à Cuba, n’est-ce pas ?
Je suis parti à Cuba pour étudier la musique vers seize ou dix-sept ans. Pendant mon enfance, ma mère m’a permis de cultiver mes envies artistiques en touchant aux arts plastiques, au théâtre, au cirque, à la musique.
Quand j’étais jeune et que j’apprenais les percussions, ce sont les tumbadoras (congas) que je préférais. Elles me fascinaient.
Entrainé par mon oncle, grand voyageur et fan de musique cubaine, et par ma soif d’apprendre, je suis allé à Cuba pour apprendre les percussions, la musique, et plus que tout ça, apprendre de la vie.
Je me suis beaucoup intéressé à la tradition, la culture, la musique populaire, la musique paysanne, le jazz. Wow ! Il y a tellement de musique et d’art à Cuba... C’est incroyable à voir, c’est difficile à expliquer.
J’ai étudié avec José Luís Quintana, « Changuito », tous les jours pendant deux ans. Sa femme Rosa et lui m’ont grand ouvert la porte de leur maison et m’ont aidé musicalement et personnellement. Apprendre avec « Changuito » fut l’une des plus grandes expériences de ma vie.
On peut trouver l’album sur Amazon. Je croyais qu’il n’était pas sorti...
Ca, c’est une drôle d’histoire.
Ce que vous avez pu écouter sur Amazon est un pré-mix. On a dû le faire pour avoir la chance d’être sélectionné aux Latin Grammy 2018, mais on ne pouvais pas tenir les délais. On livré une version rapidement pour être disponible sur les plateformes numériques, ce qui était un prérequis. Présenter l’album à l’Académie était notre rêve, mais on n’était pas satisfait.
Le plan, c’était mixer avec German Landaeta, un des meilleurs ingés-son dans le monde. C’est ce qu’on est en train de faire. On sera prêt dans quelques jours !