Le hall brille comme rarement, les amphis ont été repeints et équipés en matériel audiovisuel et des distributeurs neufs ont été installés. Le changement est saisissant, comme si les trois semaines d’occupation du campus de Tolbiac au printemps n’avaient jamais eu lieu. De nouveaux locaux pour un nouveau départ. C’est du moins le message qu’a voulu envoyer Georges Haddad, le président de l’université Paris-1, lors de sa conférence de presse de rentrée, vendredi 14 septembre. Déterminé à faire évoluer la réputation du site, baptisé « Tolbiac ou Pierre-Mendès-France, selon l’image que l’on veut lui donner », il a tenu à organiser une visite guidée pour présenter les nouveaux locaux.

« C’est là qu’a commencé la contestation », explique Jean-Luc Chappey, vice-président de l’université, en ouvrant la porte de l’amphi N. Là aussi que les étudiants dormaient pendant le blocus. Il n’en reste plus trace. Des travaux, estimés à 1,7 million d’euros, entièrement pris en charge par le ministère de l’enseignement supérieur. Cette somme inclut les réparations, les frais liés aux délocalisations des examens en juin, les primes accordées au personnel, mais aussi les rénovations nécessaires compte tenu de l’ancienneté du site, ainsi que les nouveaux dispositifs de sécurité.

« Ils ont instauré un rapport de force »

A l’avenir, il sera moins facile d’occuper cet amphithéâtre puisque des portes blindées ont été installées à l’entrée. Pour Jean-Luc Chappey, l’enjeu des travaux était de trouver un équilibre entre la sécurisation de l’établissement et la volonté de maintenir ce lieu agréable. « Notre objectif n’est pas de transformer Tolbiac en centre pénitentiaire. »

Un avis que ne partagent pas tous les étudiants. Surtout pas ceux qui faisaient partie de l’occupation. « Il y a des portes blindées à l’entrée des amphis, des pics sur les grilles extérieures pour nous empêcher d’escalader. Ils ont instauré un rapport de force », dénonce une membre du collectif de mobilisation de Tolbiac qui réunit les étudiants militant contre Parcoursup et la sélection à l’université.

Depuis le 3 septembre, les militants du collectif s’impliquent pour aider les « sans-fac », des lycéens ou étudiants qui n’ont pas obtenu l’affectation de leur choix avec la plate-forme Parcoursup. Ils ont installé leur table à l’entrée du campus. « Qu’il vente ou qu’il pleuve, on est là de 9 heures à 17 heures », affirme l’un d’entre eux.

Présent « par hasard » au moment de la visite guidée, le collectif en a profité pour faire témoigner des « sans-fac ». Comme Estelle, qui, malgré son bac obtenu avec mention très bien, était en tête de la liste d’attente pour une double licence politique-histoire, dont la procédure s’est close le 5 septembre. « L’université me dit qu’elle ne peut rien faire pour moi, Parcoursup non plus, à part les étudiants, personne ne nous aide », déplore la jeune femme.

« L’université la plus demandée »

Au total, le collectif a récolté quatre-vingts dossiers d’étudiants qui attendent encore une place. Ils devaient rencontrer lundi la direction, avec pour objectif de faire accepter « l’intégralité des dossiers, pas les vingt meilleurs ». Le petit noyau d’irréductibles n’a pas l’intention de mettre fin à ses revendications.

Malgré les heurts du printemps, Tolbiac reste « l’université la plus demandée », selon Georges Haddad. « Nous avons dû faire face à cent mille demandes pour six mille places en première année. Cela a été un travail colossal, mais nous avons réussi à créer six cent quatre-vingts places supplémentaires. »

Face à l’éventualité de nouvelles mobilisations, Georges Haddad affiche une certaine sérénité. « J’accepte toutes les contestations, j’ai moi-même été gréviste dans ma jeunesse. Mais plus jamais tel que cela s’est produit », a-t-il plaidé vendredi, rappelant qu’il avait alors dû demander l’intervention des forces de l’ordre.

Lundi, la rentrée s’est déroulée dans le calme.

Laure Giuily

Bataille juridique contre Parcoursup

En plus des actions locales des collectifs étudiants, les syndicats ont décidé de porter la bataille contre Parcoursup sur le terrain légal. Un mois après avoir saisi le Défenseur des droits, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), l’Union nationale lycéenne, le Syndicat des avocats de France et la FCPE (fédération des parents d’élèves) proposent, depuis vendredi 7 septembre, une aide juridique aux candidats de toutes les universités refusés sur Parcoursup par l’intermédiaire du site sos-inscription.fr.

Ce dispositif doit aider les candidats à effectuer un recours juridique et à comprendre pourquoi ils ont été refusés dans la filière de leur choix. Lors de la présentation de la plate-forme, Lilâ le Bas, la présidente de l’UNEF, n’avait pas caché sa volonté de « créer un contentieux de masse ». Ces organisations exigent une totale transparence des critères sur lesquels ont été sélectionnés les candidats. Ils ont également saisi la Commission d’accès aux documents administratifs afin d’obtenir la communication des algorithmes utilisés par chaque établissement pour évaluer les dossiers des candidats. « Si nous n’avons pas de réponse d’ici un mois, nous ferons appel au tribunal administratif », a-t-elle précisé.