C’est une révolution culturelle pour les médecins libéraux habitués à se préoccuper de leur seule patientèle. Les médecins de ville – ainsi que les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les sages-femmes, etc. – vont être incités financièrement par l’Etat à se fédérer au sein de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) afin d’adapter collectivement l’offre de soins de ville aux besoins de la population.

Le chef de l’Etat a annoncé, mardi 18 septembre, lors de la présentation du plan de transformation du système de santé, son souhait de voir ces communautés mailler le pays d’ici au 1er janvier 2021, chacune d’entre elles devant desservir entre 20 000 et 100 000 patients. « C’est le modèle idéal », avait jugé la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 26 juin à l’Assemblée nationale. « C’est vingt ans devant nous pour organiser tout ça », prévient Claude Leicher, le président de la fédération des CPTS.

Le modèle existe déjà. Mises en place par la loi santé de Marisol Touraine en 2016, quelque 200 CPTS ont vu le jour tant bien que mal, faute de réelle volonté politique et de moyens dédiés. L’engagement de l’Etat de financer sur dix cans celles qui seront créées dans les dix-huit prochains mois devrait accélérer leur formation.

Carences de la médecine de ville

Les objectifs d’un tel dispositif sont d’améliorer le maintien ou le retour à domicile des patients, les besoins de soins urgents non programmés et le suivi des maladies chroniques… En somme, permettre que l’hôpital cesse d’être le recours systématique aux carences de la médecine de ville.

Pour cela, les professionnels volontaires devront par exemple se doter d’une messagerie sécurisée commune et accepter de partager les dossiers médicaux de leurs patients. Mais ils devront surtout être convaincus « d’avoir à faire collectivement sur un territoire », explique le docteur Hector Falcoff, président du Pôle santé Paris-13, une CPTS pionnière de la capitale. Près d’un quart des généralistes du 13e arrondissement (35 sur 130) et une vingtaine d’infirmiers libéraux ont pour l’instant choisi d’y adhérer.

Lors de son lancement en 2011, le docteur Falcoff raconte avoir été « assailli de demandes de visites à domicile pour des personnes âgées qui n’avaient plus de médecin traitant ». Pour tenter d’y répondre, un généraliste adhérent au Pôle santé Paris-13, s’est mis à consacrer deux demi-journées par mois à évaluer la gravité des demandes au téléphone et à solliciter des collègues. Grâce à ce mécanisme, près de 200 patients dépendants ont retrouvé un médecin traitant pratiquant des visites à domicile.

Offrir un interlocuteur à l’hôpital

A terme, Hector Falcoff aimerait que des médecins volontaires se répartissent des journées d’astreinte pour prendre en charge les urgences. « Je viens de dire à une patiente âgée au téléphone que s’il y avait un souci elle devrait appeler le 15, raconte-t-il. J’aurais préféré pouvoir lui envoyer mon collègue d’astreinte. » Autre avantage d’un tel regroupement, selon lui : offrir un interlocuteur à l’hôpital. « Nous, médecins, sommes une myriade de petites unités. Si l’hôpital veut organiser quelque chose avec la ville, il ne peut pas s’adresser aux 120 médecins généralistes de l’arrondissement. Mais il peut s’adresser à la CPTS. »

Sous réserve de bénéficier de nouveaux financements, l’association aimerait mettre en place un système de téléconsultation pour que les infirmiers et médecins adhérents puissent facilement entrer en contact avec les gériatres de l’hôpital. « Cela permettrait des hospitalisations plus rapides et plus intelligentes », estime le docteur Falcoff. Le médecin souhaiterait aussi qu’une infirmière libérale de l’association puisse à terme gérer les entrées et les sorties d’hospitalisation de patients, en lien avec les médecins de ville. Des projets qui pourraient rapidement se concrétiser après les annonces du chef de l’Etat.