L’empreinte du « Tigre » sur la Ryder Cup
L’empreinte du « Tigre » sur la Ryder Cup
Par Maxime Goldbaum
Le match Europe-Etats-Unis, de vendredi à dimanche, sera marqué par le retour au premier plan du golfeur américain.
Tiger Woods, à l’entraînement au Golf national de Guyancourt (Yvelines), mardi 25 septembre. / LIONEL BONAVENTURE / AFP
L’issue est inéluctable : Tiger Woods ne jouera plus au golf de haut niveau. « Mon dos est mort, je suis foutu. » Ce sombre augure, confidence du « Tigre » faite en marge du Masters d’Augusta, en avril 2017, ne s’est pas vérifié. Non seulement Tiger Woods n’est pas fini pour le golf de haut niveau, mais il vient surtout de réussir, à 42 ans, l’un des plus beaux come-back de l’histoire du sport.
Dimanche 23 septembre, comme à ses plus belles heures, le natif de Cypress, en Californie, a été porté jusqu’au green du trou no 18 par une foule en délire, consciente d’assister à un événement historique : sa victoire dans le Tour Championship, à Atlanta, face aux trente meilleurs joueurs du monde. Un tournant. La fin des douleurs. La fin des doutes. La fin, surtout, de cinq années sans victoire. Et ce, juste avant de disputer la Ryder Cup avec l’équipe américaine, au Golf national de Guyancourt (Yvelines) du 28 au 30 septembre, dont il est l’incontestable attraction. Une présence à la fois électrisante et improbable, tant Tiger Woods revient de loin.
Icône déchue, au corps et au cœur brisés
Terrassé par des blessures au dos qui l’ont conduit quatre fois sur la table d’opération depuis 2014, il avait même envisagé, en 2016, de mettre un terme à sa carrière. Il ne pouvait alors plus marcher, s’asseoir ou jouer avec ses deux enfants, et pointait au-delà de la 1 000e place au classement mondial.
« Le pire, cela a été de ne pas savoir si j’allais pouvoir vivre de nouveau sans douleurs. Je me demandais si un jour, j’allais pouvoir à de nouveau m’asseoir, me lever ou m’allonger sans ressentir ces douleurs, a-t-il confessé, ému aux larmes, après sa victoire sur le Tour Championship. Je ne voulais pas vivre comme ça. Je me demandais : “Cela va être ça, ta vie ?” »
Non, la vie de Tiger Woods, icône du sport mondial et dont le nom résonne bien au-delà des amateurs de golf, méritait un autre chapitre. Le cliché est éculé mais son parcours contient tous les ingrédients d’une success story à l’américaine. Avec son histoire officielle, bien connue et savamment contrôlée, et ses zones d’ombre.
Côté pile, l’ascension d’un métissé (son père est noir, sa mère thaïlandaise), surdoué, qui débarque tel un ovni dans les années 1990 dans le monde feutré, blanc et bourgeois, du golf. Son swing dévastateur et son approche athlétique de la discipline – il pouvait passer deux heures par jour à soulever de la fonte, brisant l’image du golfeur bedonnant, cigare au bec –, révolutionnent son sport.
Mais, surtout, il gagne tout, très vite, remportant 14 titres du Grand Chelem (à quatre longueurs d’une autre légende du golf, Jack Nicklaus) entre 1996 et 2008. Tiger Woods fascine et amasse plus de 1,7 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) durant sa carrière, gains en tournois et sponsors confondus, devenant le deuxième sportif le plus rentable de l’histoire après le basketteur américain Michael Jordan.
Mais ce succès s’est aussi bâti sur des failles, une vie sur laquelle il n’a eu que peu de prise, programmé dès son plus jeune âge par ses parents à devenir un grand golfeur. Le jeune Tiger, de son vrai nom Eldrick Tont Woods, observe depuis son couffin son père, Earl Woods, ancien colonel des bérets verts, coureur de jupons porté sur la boisson, taper des balles dans le jardin de la maison familiale. Il possède son propre club de golf à 11 mois quand la plupart des bambins ne savent même pas marcher, est trimballé sur un practice à 2 ans, puis dispose d’un entraîneur personnel à 4 ans. Sa mère, Kultida Punsawad, façonne de son côté le caractère trempé de son fils, son ego boursouflé aussi, qui permettent aux grands champions d’écrire leur légende. Tiger Woods bat tous les records de précocité.
Cette éducation, tournée vers un seul but, a mené Tiger Woods au sommet de son sport mais n’est pas sans effets sur sa vie personnelle. L’image policée qu’il s’est construite se fissure aux yeux du grand public une première fois, en 2009, lorsque éclatent les scandales autour de ses nombreuses aventures extraconjugales débouchant sur un divorce et des excuses publiques à la télévision. Son arrestation par la police, un soir de mai 2017, qui le retrouve endormi au volant de sa voiture après avoir ingurgité un cocktail de médicaments et d’antidépresseurs, finit par hypothéquer son avenir. Tout le monde le pense perdu pour le golf. Une icône déchue, au corps et au cœur brisés.
Afflux médiatique
Personne n’imagine, ne serait-ce qu’en début d’année, qu’il sera sélectionné pour prendre part au troisième événement sportif le plus suivi au monde après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques. Mais le « Tigre » a encore envie de jouer au golf et semble enfin débarrassé de ses douleurs. Il réalise de très bonnes performances en menant le British Open, avant de terminer 6e, puis en échouant à deux coups de son compatriote Brooks Koepka dans le championnat PGA (dernière levée du Grand Chelem) en août. Avant la victoire finale au Tour Championship, qui marque définitivement son retour.
Forcément, la présence de Tiger Woods ravit les organisateurs français de cette 42e édition de la Ryder Cup : « Il est le leader incontestable et incontesté d’un golf moderne, plus dynamique, plus attrayant », se réjouit Jean-Lou Charon, président de la Fédération française de golf. Si l’annonce tardive de sa sélection n’a pas eu d’impact direct sur la billetterie, elle a provoqué un afflux médiatique sans précédent.
Habitué à cette effervescence, Tiger Woods est arrivé à Paris en début de semaine et a refait connaissance, mardi, avec le parcours de l’Albatros, qu’il avait découvert en 1994 lors des championnats du monde amateur. Il espère enfin briller dans cette Ryder Cup, épreuve qui ne lui réussit guère avec une seule victoire, en 1999, en sept participations. « L’avenir est radieux pour moi », note-t-il, avant de lancer en guise d’avertissement pour 2019 : « Je ne me suis pas vraiment préparé physiquement pour cette saison 2018, j’essayais juste de jouer, je sais maintenant ce que je dois faire, cela sera différent. » Tiger Woods entend encore jouer au golf, à haut niveau.