La nécessaire révision de la loi de bioéthique
La nécessaire révision de la loi de bioéthique
Editorial. Si l’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique n’a pas manqué de susciter de vives protestations, la volonté de revoir la loi est pourtant salutaire, car les conceptions sociétales évoluent.
Editorial du « Monde ». Dès la première loi relative à la bioéthique, promulguée en 1994, le législateur avait prévu l’impérative nécessité d’une révision périodique. Elle a eu lieu en 2004, puis en 2011. Un nouveau projet de loi devrait être présenté par le gouvernement avant la fin de 2018 et examiné par l’Assemblée nationale au cours du premier trimestre de 2019.
Cette révision périodique peut donner l’impression que, à l’instar de la lutte contre le dopage, l’éthique des sciences de la vie a toujours un train de retard sur des pratiques non ou mal encadrées. Elle est pourtant salutaire, car les conceptions sociétales évoluent et il importe autant d’encadrer les recherches et l’accès à des techniques que de ne pas bloquer l’innovation scientifique et sa diffusion.
En ce sens, l’avis que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu, mardi 25 septembre, accomplit l’un et l’autre. Après avoir organisé des états généraux de la bioéthique dans toute la France au premier semestre de 2018, les 40 membres du CCNE ont abouti à la rédaction d’un document qui reflète les positions majoritaires, mais pas toujours consensuelles, en son sein.
Vives protestations
Les grandes questions qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène tiennent bien sûr une part importante du texte. C’est le cas de l’encadrement de la procréation médicalement assistée (PMA), que le comité appelle à faire évoluer. Comme il l’avait fait en juin 2017, il se prononce en faveur de l’accès des couples de femmes et des femmes seules à la PMA, réservée pour l’instant aux couples hétérosexuels en cas d’infertilité pathologique.
Evolution encore en proposant, « sans l’encourager », l’autoconservation des ovocytes, en souhaitant que soit rendue possible la levée de l’anonymat des futurs donneurs de sperme, et en libéralisant les recherches sur les cellules souches, avec un statut juridique différent de celui encadrant les recherches sur l’embryon, jugées, elles aussi, nécessaires. Mais le CCNE ne varie pas sur le maintien de l’interdiction de la grossesse pour autrui (GPA) et le rejet d’une nouvelle loi sur la fin de vie.
Cet avis n’a pas manqué de susciter de vives protestations. La Manif pour tous dénonce une « décision qui n’est pas éthique, mais politique ». La Conférence des évêques de France martèle son opposition à l’extension de la PMA, tandis que, à l’Assemblée nationale, LR et l’UDI ont fait savoir qu’ils voteront contre un texte qui reprendrait de telles préconisations.
En revanche, les enquêtes d’opinion montrent qu’une majorité de Français soutient cette extension. La discussion parlementaire qui va s’ouvrir prochainement ne parviendra probablement pas à totalement désamorcer une polémique qui promet déjà de faire écho à celle de 2013, lors du vote de la loi sur le mariage homosexuel. Son rôle sera de faire le tri entre des principes légitimes et des préjugés infondés.
En attendant, les préconisations du CCNE ont le mérite d’aller dans le sens de l’évolution des mœurs et du droit de la santé, qui, inexorablement, tendent vers un meilleur équilibre entre la prise en compte de la liberté individuelle et des normes collectives héritées du passé. Le CCNE identifie clairement les risques de faire bouger les lignes sur ces sujets ultrasensibles, tout en proposant une série de garde-fous. C’est désormais au législateur de circonscrire les premiers et de fixer précisément les contours des seconds pour que l’éthique et la conscience ne se laissent pas déborder par les avancées scientifiques.