Depuis les Antilles, Emmanuel Macron appelle les Français à l’aide et à la patience
Depuis les Antilles, Emmanuel Macron appelle les Français à l’aide et à la patience
Par Cédric Pietralunga (Fort-de-France (Martinique), envoyé spécial)
En visite en Martinique, le chef de l’Etat, qui traverse une passe difficile en cette rentrée, a reconnu que « les choses ne peuvent pas aller mieux du jour au lendemain ».
Emmanuel Macron, à Saint-Pierre, en Martinique, le 27 septembre. / POOL / REUTERS
Le propos est inédit dans la bouche du chef de l’Etat. En visite pour quatre jours dans les Antilles françaises, Emmanuel Macron a lancé, lors d’une première étape en Martinique, jeudi 27 septembre, un appel à l’aide inhabituel de la part de celui qui avait théorisé la présidence verticale. « Aidez-moi ! », a-t-il ainsi demandé, à plusieurs reprises, lors d’une conférence de presse improvisée à la résidence du préfet, située sur les hauteurs de Fort-de-France. « J’ai besoin de vous, journalistes, population, élus » pour expliquer l’action de l’exécutif, a-t-il ajouté.
Au plus mal dans les sondages, critiqué par certains de ses ministres, Emmanuel Macron n’a pas le choix : pour pouvoir continuer à réformer jusqu’à la fin de son quinquennat, le chef de l’Etat doit convaincre les Français que sa politique est la bonne, qu’il ne s’est pas trompé de route malgré l’absence de résultats tangibles. Pour cela, il a décidé de redescendre dans l’arène, comme il l’avait fait durant la campagne présidentielle. De prendre lui-même le taureau par les cornes puisque personne ne le fait à sa place, malgré ses demandes répétées aux membres du gouvernement et aux élus de la majorité.
« Je ne me cache pas », a ainsi vanté le président de la République lors d’un bain de foule avec une cinquantaine d’habitants de Saint-Pierre, la « Pompéi des Caraïbes », dévastée en 1902 par une éruption de la montagne Pelée qui fit 30 000 morts et dont les stigmates sont toujours visibles dans la ville. « Il y a un besoin d’être au contact, d’être naturel. Moi je continuerai à l’être et à répondre aux gens de manière très directe », a-t-il poursuivi, même si les rencontres avec les habitants de l’île aux fleurs furent réduites, du fait de l’approche de la tempête tropicale Kirk – les écoles avaient été fermées et les rassemblements publics interdits par le préfet.
« Je me bats tous les jours sans relâche. »
Décidé à s’adresser aux Français après plus de cinq mois de silence – son dernier entretien télévisé remonte au 15 avril – marqués par l’affaire Benalla ou la démission du ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, Emmanuel Macron a dit comprendre « l’impatience » qui s’exprime dans les études d’opinion, même si l’Elysée réfute avoir le nez sur les sondages.
« J’ai dans le ventre l’impatience de 66 millions de Français, a-t-il assuré. Je veux qu’on aille encore plus vite, encore plus fort. Je veux que les choses aillent mieux, c’est pour ça que je me bats tous les jours sans relâche. »
A plusieurs reprises, Emmanuel Macron a tenté devant les Martiniquais de vanter les mesures prises par son gouvernement, en matière de pouvoir d’achat notamment. Réduction de la taxe d’habitation, reste à charge zéro pour les lunettes ou les prothèses auditives, mise en place de Parcoursup, lancement du service national universel… A l’entendre, tout ne serait qu’une question de temps pour voir les premiers effets de sa politique.
« Les choses ne peuvent pas aller mieux du jour au lendemain », a-t-il insisté, manière de réclamer en creux davantage de patience. « Prenez le transport. On a fait une réforme qui a pris des mois. Il y a un an, tout le monde disait : c’est impossible. Elle a été faite. C’est formidable », a plaidé M. Macron à propos de la SNCF. Même si, a-t-il ajouté, « les gens verront les conséquences concrètes dans plusieurs années ».
L’heure n’est pas à l’autocritique
« Nous sommes dans ce moment très difficile où on a investi beaucoup de capital politique dans l’action, la transformation du pays, et dans le même temps où on n’en voit pas encore les effets », reconnaît un proche conseiller de M. Macron, espérant que ce moment s’apparentera à « un interstice » et non à « un trou béant ».
Pour autant, l’heure n’est pas à l’autocritique. Alors que des élus de la majorité lui reprochent de saboter lui-même son action à coup de petites phrases sur « les Gaulois réfractaires » ou « le pognon de dingue », Emmanuel Macron assure être victime d’un emballement des médias.
« Parfois on sort de son contexte une phrase, un mot. Vous le faites beaucoup, je le comprends, ça fait un peu partie de votre fonds de commerce », a-t-il lancé aux journalistes présents autour de lui à Saint-Pierre, se plaignant que cela crée « une forme de distance » entre lui et les Français. Dans un entretien donné à l’émission « Quotidien », diffusé jeudi soir sur TMC, le chef de l’Etat a toutefois confessé qu’employer l’expression « Gaulois réfractaires au changement » pour parler des Français était « une erreur », mais il « (l)’assume ».
Pas question donc de changer sa façon de faire. « La méthode Macron, c’est de dire les choses », a insisté le président, que son entourage dit « agacé » par le temps que prennent les réformes à se concrétiser. Quand on vit tous dans une sorte de mensonge collectif, on n’avance pas. » « Je me suis toujours tenu loin du microcosme et je suis bien avec mes concitoyens, donc je vais continuer », a-t-il conclu.