Basile Ader, vice-bâtonnier du barreau de Paris, est notamment chargé du barreau pénal qui regroupe 1 200 avocats dans la capitale. Il souligne que le délit introduit dans le code pénal en 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy permet de « ratisser large ».

Comment qualifiez-vous le nombre record d’interpellations effectuées samedi 8 décembre par les services de police ?

Ils ont fait beaucoup de rétention de personnes pour procéder aux vérifications d’identité, sans pour autant que cela débouche sur une garde à vue ou une autre mesure. Dans le cadre des contrôles d’identité décidés sur réquisition du procureur, la police peut désormais retenir une personne pendant quatre heures. Parfois, cela a suffi. Mais dès lors que des masques à gaz ou des armes par destination de type boules de pétanque ont été trouvés, c’était la garde à vue.

Peut-on qualifier ces interpellations de mesures de police préventives ?

Juridiquement, il s’agit de contrôles d’identité, en dehors du cas bien sûr des personnes interpellées lors des actions violentes, des dégradations ou des pillages. La garde à vue n’intervient que dans un second temps.

Le problème est qu’ils sont placés en garde à vue sans avoir commis d’acte de violence…

La loi de 2010 a créé un délit de participation à un groupement en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de dégradations de biens. C’est une infraction attrape-tout qui permet d’incriminer des personnes en amont et de ratisser large. C’est la même logique que l’on trouve dans l’infraction d’association de malfaiteurs en vue de commettre un délit. Les conditions dans lesquelles la police a recouru massivement à ces interpellations à l’égard des gilets jaunes en se basant sur cette incrimination sont contestables.

Avez-vous eu des informations sur des problèmes survenus lors de ces gardes à vue ?

Non, pour l’heure, aucun incident ne m’a été signalé. Notre liste qui comportait les noms de 70 avocats de permanence ce week-end a été portée à 100, sur un barreau pénal qui comporte 1 200 avocats. Certaines personnes interpellées à Paris ont été placées en garde à vue dans des commissariats de la banlieue, faute de place suffisante et, dans ce cas, ce sont les barreaux locaux qui sont concernés.

Que pensez-vous des conditions de ces comparutions immédiates avec plusieurs dizaines de personnes jugées dès lundi ?

Le parquet et le tribunal de Paris se sont organisés pour faire face à ce flux. Mais les procédures et les jugements sont réellement individualisés. Les juges font du bon travail même si on passe peut-être un peu moins de temps sur chaque dossier. Il y a des relaxes, et je n’ai pas eu écho de sanctions effroyables. Cela dépend aussi du casier judiciaire, certains sont plus lourdement condamnés. Notre critique porte sur cette forme de justice en général, que ce soit pour les « gilets jaunes » ou les autres. Les comparutions immédiates sont une justice archaïque, et souvent aléatoire selon que vous passez en début d’audience ou en milieu de nuit… Pour ce lundi, nous avons doublé à quarante le nombre d’avocats disponibles pour les comparutions immédiates.

Certains prévenus ont comparu dans des box vitrés…

C’est la première fois que pour des comparutions immédiates il est fait usage des box vitrés. Ce à quoi nous sommes totalement opposés, car cela est contraire au principe de présomption d’innocence.