Ce que l’on sait de la démission du patron chinois d’Interpol
Ce que l’on sait de la démission du patron chinois d’Interpol
Meng Hongwei a été acculé à la démission dimanche après avoir mystérieusement disparu pendant plus de dix jours. Le flou demeure autour de cette affaire.
L’ex-patron chinois d’Interpol, Meng Hongwei, a été acculé à la démission, dimanche 7 octobre, après une mystérieuse disparition pendant plus de dix jours. / Du Yu / AP
Pur produit du très redouté appareil policier de Pékin, le patron chinois d’Interpol, Meng Hongwei, a été acculé à la démission, dimanche 7 octobre, après avoir mystérieusement disparu pendant plus de dix jours.
Premier citoyen de Chine continentale à prendre la tête d’une grande organisation internationale, Meng Hongwei est, semble-t-il, victime de la campagne de lutte contre la corruption du président Xi Jinping. Pékin l’a accusé, lundi 8 octobre, d’avoir « accepté des pots-de-vin » et « violé la loi ». Mais le flou demeure autour de cette affaire, qui constitue une première au sein des grandes institutions internationales.
Où se trouve Meng Hongwei ?
On l’ignore. Nommé président d’Interpol en novembre 2016, Meng Hongwei, également vice-ministre de la sécurité publique (police), n’avait plus donné signe de vie depuis son départ pour la Chine il y a plus de dix jours, à la fin de septembre. Une enquête pour disparition inquiétante a été ouverte vendredi en France, et Paris a fait part de son « interrogation » sur sa situation.
Meng Hongwei a indirectement donné de ses nouvelles dimanche lorsque la Chine a annoncé qu’il faisait l’objet d’une enquête dans son pays. Interpol a annoncé dans la foulée avoir reçu une lettre de démission de son président, « avec effet immédiat ».
Quelques heures plus tôt, son épouse, Grace Meng, avait fait part de sa vive inquiétude devant la presse à Lyon, où se trouve le siège d’Interpol, disant que son mari était « en danger ». Elle avait révélé que le dernier message téléphonique qu’elle avait reçu de Meng Hongwei, le 25 septembre, alors qu’il était en Chine, ne comportait qu’une émoticône représentant un couteau. « Attends mon appel », lui avait-il dit dans un précédent message. Son épouse a depuis reçu des menaces et a été placée sous protection policière.
L’épouse de Meng Hongwei, Grace Meng, a révélé lors d’une conférence de presse dimanche 7 octobre à Lyon, que le dernier message reçu depuis son téléphone, le 25 septembre alors qu’il était en Chine, ne comportait qu’une émoticône représentant un couteau. / JEFF PACHOUD / AFP
Que lui reproche la Chine ?
Meng Hongwei « a accepté des pots-de-vin et est soupçonné d’avoir violé la loi », a annoncé lundi le ministère de la sécurité publique dans un communiqué, sans plus de précisions. Le texte ne dit pas si les accusations relèvent de ses fonctions ministérielles ou de celles qu’il exerçait à Interpol. Il n’est pas non plus précisé s’il a ou non été placé en détention.
L’enquête « illustre clairement la détermination du camarade Xi Jinping », le président chinois, à combattre la corruption, dit le ministère. « Nul, sans exception, n’est au-dessus des lois. Quiconque viole les lois fera l’objet d’une enquête approfondie et sera sévèrement puni », avertit le communiqué, ajoutant que d’autres suspects sont poursuivis dans le cadre de l’enquête.
A-t-il été neutralisé pour un motif fallacieux ?
L’hypothèse n’est pas exclue. Meng Hongwei, 64 ans, est loin d’être le premier haut responsable chinois à succomber à la campagne contre la corruption lancée par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir, à la fin de 2012. Populaire dans l’opinion publique, cette campagne, qui a sanctionné plus de 1,5 million de cadres, est également soupçonnée de servir à éliminer des opposants à la ligne de Xi Jinping.
Mais le cas de Meng Hongwei est une première au sein de grandes institutions internationales. Dans un communiqué, le ministère écrit que Meng Hongwei est poursuivi dans le cadre d’une campagne destinée à « éliminer complètement l’influence pernicieuse » de Zhou Yongkang, ancien chef des services de sécurité et rival du président Xi Jinping. Or, c’est ce même Zhou Yongkang, condamné en 2015 à la prison à vie pour corruption, qui avait nommé Meng Hongwei à son poste de vice-ministre dix ans plus tôt.
Un signe avant-coureur des difficultés de Meng Hongwei était apparu dès avril : il avait en effet été démis de ses fonctions au sein du comité du Parti chargé de superviser le ministère de la sécurité publique, après la nomination, à l’automne 2017, d’un nouveau ministre, Zhao Kezhi, ultraloyal à Xi Jinping.
Meng Hongwei est-il aujourd’hui rattrapé, trois ans plus tard, par la nomination à des postes clés de partisans ultraloyaux à l’actuel président ? En Chine, un tel processus d’arrestations et de nominations peut s’étaler sur tout un mandat.