« Trois pistes sont envisageables pour remplacer l’exit tax »
« Trois pistes sont envisageables pour remplacer l’exit tax »
Par Philippe Bruneau (Président du Cercle des fiscalistes)
Philippe Bruneau, président du cercle des fiscalistes, explique dans sa chronique pour « Le Monde » les choix qui se présentent au gouvernement.
« L’exit tax » a été instaurée en 2011 par Nicolas Sarkozy pour freiner l’exil fiscal. / Jacques Loic / Photononstop
Le gouvernement vient d’annoncer son projet de supprimer le dispositif de « l’exit tax » tel qu’il existe aujourd’hui pour le remplacer par un « dispositif plus ciblé » visant spécifiquement les cas d’optimisation fiscale.
« L’exit tax » a été instaurée en 2011 par Nicolas Sarkozy pour freiner l’exil fiscal, c’est-à-dire le départ légal de contribuables français vers des cieux moins imposés. Pour parler court, elle visait spécifiquement le départ d’entrepreneurs français en particulier attirés par le régime d’exonération d’impôt sur les plus-values de cession de titres existant en Belgique.
Complexité
Dans cet esprit, « l’exit tax » frappe les plus-values latentes qui figurent sur les titres d’entreprises des contribuables qui s’exilent en cas de cession de ces titres dans les quinze années qui suivent leur départ. Le dispositif prévoit en outre la constitution par les impétrants au départ de garanties au profit de l’Etat avec pour conséquence une complexité sans nom.
Force est de constater que « l’exit tax » n’aura que très partiellement atteint son but. Car si certains entrepreneurs se sont fait piéger au début de sa mise en application, les candidats actuels au départ se sont adaptés. Ils quittent la France avant de créer leur entreprise et évitent ainsi de passer sous les fourches caudines de « l’exit tax ». Ainsi, cet impôt ne fait qu’accélérer un phénomène qu’il était censé freiner.
Pour remédier à cela, trois pistes semblent envisageables :
– La suppression pure et simple de « l’exit tax », y compris pour ceux qui sont déjà partis et pour lesquels cet impôt sera une épée de Damoclès qu’ils auront au-dessus de leur tête pendant 15 ans. Cette solution nous paraît financièrement inenvisageable. Elle reviendrait pour le fisc à perdre les recettes potentielles de « l’exit tax » estimées à 1,5 milliard d’euros. Potentielles, car ces recettes dépendent de l’attitude des contribuables. Soit ils vendent leurs titres avant 15 ans, et ces recettes deviennent certaines. Soit ils conservent leurs titres au-delà de 15 ans, et elles s’évaporent.
– La suppression de « l’exit tax » pour les contribuables qui partent à compter de 2019, politiquement difficile à défendre ;
– Une solution intermédiaire consiste à modifier le régime de « l’exit tax » en raccourcissant le délai de 15 ans que les contribuables doivent respecter avant de céder leurs titres, et en le ramenant par exemple à 2 ou 3 ans. Cette dernière solution nous parait plus satisfaisante. Elle a le mérite de corriger les imperfections du dispositif tout en lui donnant une connotation de lutte contre l’optimisation fiscale agressive, bien perçue aux yeux de l’opinion comme des caisses de l’Etat.
Reste à savoir comment traiter les contribuables qui auraient quitté le territoire entre 2011 et fin 2018. Peut-on imaginer que leur délai de conservation soit raccourci ? Rien n’oblige le législateur à le prévoir, mais il serait équitable de procéder à un alignement de leur situation. En revanche, il parait inconcevable de rembourser ceux d’entre eux qui auraient déjà procédé à des cessions de titres mettant ainsi fin au sursis de « l’exit tax » obtenu lors du départ.