#MeToo : démission d’un secrétaire d’Etat indien accusé de harcèlement sexuel
#MeToo : démission d’un secrétaire d’Etat indien accusé de harcèlement sexuel
Le Monde.fr avec AFP
M. J. Akbar est accusé par une vingtaine de femmes de leur avoir fait des avances sexuelles inappropriées lorsqu’il occupait des postes à responsabilité dans les médias.
Le ministre d’Etat auprès du ministère des affaires étrangères, Mobashar Jawed Akbar (à gauche), en compagnie de l’ancien chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel (à droite), en mai 2017 à Berlin. / JOHN MACDOUGALL / AFP
Le mouvement citoyen contre le harcèlement sexuel #MeToo a empoché mercredi 17 octobre sa première victoire de taille en Inde, avec la démission d’un ministre du gouvernement nationaliste hindou mis en cause par une vingtaine de femmes.
Vétéran du journalisme devenu ministre de seconde classe des affaires étrangères – équivalent d’un secrétaire d’Etat français – du gouvernement de Narendra Modi, Mobashar Jawed Akbar, 67 ans, a annoncé mercredi renoncer à ses fonctions pour se défendre à titre personnel des accusations d’avances sexuelles inappropriées, qu’il dément.
Série de démissions
Réalisateurs, humoristes, journalistes… Plusieurs personnalités indiennes de l’industrie du spectacle et des médias se sont vu accusées publiquement ces derniers jours de comportement inapproprié envers des femmes dans cette société patriarcale.
Dans un télescopage de l’actualité, la condition des femmes en Inde était mercredi au cœur de l’autre sujet du jour dans le pays. De violents heurts se déroulaient autour de l’ouverture aux femmes d’un grand temple hindou du Kerala (sud), à la suite d’une décision de justice combattue par les traditionalistes.
La campagne féministe #MeToo a d’ores et déjà entraîné une série de démissions et d’enquêtes internes dans le géant d’Asie du Sud depuis le début du mois d’octobre, trouvant un écho dans cette nation de 1,25 milliard d’habitants, plus d’un an après son apparition aux Etats-Unis.
Figure la plus en vue des personnalités ciblées, M. Akbar est accusé d’avances sexuelles inappropriées envers des femmes journalistes débutant dans le métier, à l’époque où il occupait des postes à responsabilité dans les médias. Il a engagé ce week-end des poursuites en diffamation contre la première femme à l’avoir publiquement ciblé, la journaliste Priya Ramani. Le Parti du Congrès, principale formation d’opposition, a vu dans sa démission le « pouvoir de la vérité » et fustigé le silence du premier ministre, Narendra Modi, sur le sujet.
« Lourd tribut »
Priya Ramani avait révélé la semaine dernière dans un tweet devenu viral qu’il était le rédacteur en chef anonyme qu’elle avait décrit dans un article paru l’année dernière. Le texte relatait un entretien d’embauche qu’il lui avait fait passer, lorsqu’elle avait 23 ans et lui 43, dans sa chambre d’un hôtel chic de Bombay. « Il s’avère que vous chassiez en prédateur de façon aussi talentueuse que vous écriviez », y estime la journaliste.
« Vous êtes un expert d’appels téléphoniques, de textos obscènes (…). Vous savez pincer, tapoter, frotter, attraper et agresser. Parler contre vous coûte encore un lourd tribut que beaucoup de jeunes femmes ne peuvent se permettre de payer », ajoute-t-elle dans cette lettre ouverte publiée par Vogue India.
En solidarité contre les poursuites engagées, une vingtaine de femmes se sont dites prêtes à témoigner contre celui qui, avant de passer en politique, avait occupé des postes à responsabilités dans des publications prestigieuses comme The Telegraph, Asian Age et The Sunday Guardian. « En tant que femmes, nous nous sentons renforcées par la démission de MJ Akbar. J’attends avec impatience le jour où j’obtiendrai également justice au tribunal #metoo », a réagi Priya Ramani sur Twitter.
Déferlements de témoignages
Les révélations dans le cadre du mouvement #MeToo font la une des médias locaux depuis une dizaine de jours. L’étincelle est partie d’une comédienne de Bollywood, Tanushree Dutta, qui a réitéré dans une interview ses accusations de conduite déplacée de la part du célèbre acteur Nana Patekar durant le tournage d’une comédie romantique en 2008.
Le mouvement s’est ensuite diffusé sur les réseaux sociaux, où les témoignages de harcèlement sexuel ont déferlé de la part de femmes généralement issues de la petite élite urbaine et éduquée du pays.
Vendredi, le tournage d’un film de Bollywood a été stoppé à la suite d’accusations de harcèlement sexuel à l’encontre du metteur en scène et d’un acteur, à la demande de l’acteur vedette, qui a exigé une enquête « rigoureuse » à ce sujet.