Quel devenir pour Force ouvrière après la démission de Pascal Pavageau ?
Quel devenir pour Force ouvrière après la démission de Pascal Pavageau ?
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
Le secrétaire général aura préféré la démission à l’humiliation d’être débarqué. Pour l’organisation syndicale, cette crise est un coup dur.
L’ex-secrétaire général de Force ouvrière a annoncé son départ dans un courriel interne, mercredi 17 octobre, dans lequel il dénonce une « cabale » et où transparaît sa colère. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Force ouvrière est plongée dans la plus grave crise de son histoire. Son secrétaire général, Pascal Pavageau, a démissionné, mercredi 17 octobre, moins de six mois après son accession à la tête de la confédération. Cela fait suite aux révélations du Canard enchaîné, le 10 octobre. L’hebdomadaire faisait état d’un fichier listant les préférences politiques ou la vie privée de 127 responsables de fédérations et d’unions départementales, assortis de qualificatifs injurieux. Ce listing, réalisé selon l’ex-secrétaire général par des personnes de son entourage, avait été constitué en 2016 en vue de son accession à la tête de la centrale syndicale, alors qu’il était le seul candidat à vouloir succéder à Jean-Claude Mailly.
Pourquoi Pascal Pavageau n’avait-il pas d’autre choix que démissionner ?
L’ex-secrétaire général a annoncé son départ dans un courriel interne, mercredi 17 octobre, dans lequel il dénonce une « cabale » et où transparaît sa colère. Pendant une semaine, M. Pavageau a tenté en vain de ressouder les rangs autour de lui. Lundi matin, il a même cherché à annuler deux réunions qui devaient traiter de cette crise. Mais neuf membres de son bureau confédéral sont passés outre et se sont retrouvés dans l’après-midi en son absence, alors même qu’il était encore leur secrétaire général. Ces dirigeants en sont ressortis avec une déclaration écrite très dure à l’encontre de Pascal Pavageau, ce qui constituait un acte de rébellion inédit. Un peu plus tôt dans la journée, une alliance improbable avait également été nouée contre lui entre plusieurs courants de la centrale, notamment les « réformistes », proches de M. Mailly, et les trotskistes.
De quoi sceller le sort du secrétaire général. Mercredi matin, la réunion de la commission exécutive de Force ouvrière (FO – 35 membres), que M. Pavageau avait aussi voulu reporter, a également eu lieu. Cette instance avait le pouvoir de convoquer le comité confédéral national (CCN), le « parlement » de FO, seul à même de révoquer le secrétaire général. S’il ne voulait pas subir l’humiliation d’être débarqué dans quelques semaines, M. Pavageau n’avait d’autre choix que de quitter ses fonctions de lui-même. D’autant que dans son courriel, celui qui est redevenu un simple « militant » laisse entendre que d’autres fichiers « sensibles et confidentiels concernant les salariés et les secrétaires confédéraux du siège devraient être diffusés » à la suite d’un vol perpétré, selon lui, le 1er octobre.
Qui pour le remplacer ?
Cette démission est survenue juste avant la réunion de la commission exécutive. Elle devait notamment confier au bureau confédéral la gestion des affaires courantes et décider de réunir, d’ici à un mois, un CCN électif pour désigner un nouveau secrétaire général. L’équation est compliquée pour l’organisation syndicale, qui doit trouver en urgence une personnalité susceptible de faire consensus, au moins provisoirement. Parmi les rares noms qui circulent figure celui d’Yves Veyrier, membre du bureau confédéral chargé des « études prospectives et de l’histoire de l’organisation ». Déjà dans l’équipe de M. Mailly, il est l’un des seuls à pouvoir mettre d’accord les réformistes et les trotskistes.
La confédération peut-elle s’en relever ?
C’est un coup très dur pour Force ouvrière. Pour certains acteurs syndicaux, le scandale provoqué par l’existence de ce fichier va bien au-delà de l’affaire Thierry Lepaon. L’ex-secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT) avait également été contraint à la démission en 2015 à la suite des révélations sur son train de vie. A FO, des suites sont à attendre. Vendredi 12 octobre, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a effectué un contrôle « sur place et sur pièces » au siège de la confédération. Si des manquements sont constatés, elle peut décider de prononcer des sanctions allant du rappel à l’ordre à l’amende administrative. Compte tenu de la gravité des faits, il n’est pas non plus impossible que des plaintes soient déposées par des personnes dont le nom a été cité dans le fichier occulte.
Cet épouvantable feuilleton tombe au plus mal pour la centrale de l’avenue du Maine, à Paris. A l’approche des élections professionnelles dans les trois fonctions publiques, le 6 décembre, où FO joue sa première place chez les agents de l’Etat, les autres syndicats ne se priveront sans doute pas d’exploiter les déboires de leur rivale. Mais ce serait oublier un peu vite que c’est le syndicalisme dans son ensemble qui sort éclaboussé par cette affaire.