Ceconomy, premier actionnaire de Fnac Darty, dans la tourmente
Ceconomy, premier actionnaire de Fnac Darty, dans la tourmente
Par Cécile Boutelet (Berlin, correspondance), Cécile Prudhomme
La crise, qui a conduit au départ du directeur général du groupe de distribution allemand, en dit long sur les difficultés des grandes enseignes d’équipement électronique, bouleversées par la concurrence de l’e-commerce.
Magasin d’électronique Saturn, à Magdeburg, en Allemagne, en mars 2016. / Fabrizio Bensch / REUTERS
Rien ne va plus chez l’allemand Ceconomy, holding propriétaire de MediaMarktSaturn, premier distributeur européen de produits électroniques grand public, et de 24 % de Fnac Darty. Après deux avertissements sur les résultats, qui avaient fait s’effondrer le cours en Bourse, le directeur général, Pieter Haas, a été remercié, avec effet immédiat, le 12 octobre dans la nuit. Le directeur financier du groupe est également sur le départ. Cette crise, qui survient quelques semaines seulement avant la période de Noël, en dit long sur les difficultés des grandes enseignes d’équipement électronique, bouleversées par la concurrence de l’e-commerce.
Les investisseurs avaient pourtant bien accueilli, il y a un an, la grande restructuration du groupe Metro. Le distributeur historique a cédé ses activités dans l’électronique pour se concentrer sur l’alimentaire de gros. Ceconomy est aujourd’hui la holding qui règne sur les deux enseignes, Saturn et Media Markt, qui ont longtemps dominé le secteur de l’équipement électronique, jusqu’à l’émergence du commerce en ligne. La scission du groupe devait être une libération pour chacune des spécialités, prévoyait la stratégie du patron de Metro, Olaf Koch, qui a promis aux actionnaires de meilleurs résultats et une hausse du cours.
Mais rien ne s’est passé comme prévu. Plusieurs fois, les objectifs de vente et de rentabilité de Saturn et Media Markt n’ont pas été tenus. Et, fin septembre, à la clôture de l’exercice 2017-2018, la débâcle s’est révélée pire qu’attendu : le résultat opérationnel s’est effondré, passant de 714 millions à 630 millions d’euros. Depuis janvier, l’action Ceconomy a déjà perdu la moitié de sa valeur. L’alerte sur les résultats, publiée le 8 octobre, a fini de mettre à bout la patience des investisseurs : l’action a dévissé de 20 %. Pieter Haas a invoqué les températures trop chaudes et l’atonie du marché allemand pour justifier la faiblesse des ventes. Trop court, ont jugé les actionnaires, qui ont finalement exigé sa tête. La concurrence toujours plus forte du géant Amazon et les rapprochements de plusieurs « pure-players » (spécialistes de la vente d’un seul produit) sur Internet ont probablement joué un rôle déterminant.
« Simplification des structures complexes »
Le chiffre d’affaires de Saturn et de Media Markt réalisé en ligne est certes en forte progression, mais reste insuffisant pour compenser l’effondrement des ventes dans les magasins. La concurrence a introduit une bataille des prix qui rogne les bénéfices. Pour attirer les clients dans les magasins, les enseignes n’ont d’autre choix que de multiplier les promotions. A deux reprises, au mois de septembre, Saturn et Media Markt ont offert à leurs clients la TVA sur chaque achat effectué en magasin. « Il ne faut pas s’attendre à ce que les enseignes dégagent de nouveau, à l’avenir, les marges auxquelles elles étaient habituées », estime l’analyste d’Equinet Christian Bruns.
Comment redresser la barre ? C’est un Espagnol, Ferran Reverter Planet, actuellement directeur des opérations, qui a été chargé par le conseil de surveillance de diriger le groupe provisoirement. Sa nomination a été bien accueillie par les actionnaires. Mais la tâche est considérable. L’analyste de la banque HSBC Andrew Porteous considère, dans une note parue le 22 octobre, que la tâche prioritaire est la « simplification des structures complexes » du groupe, marqué par une organisation décentralisée des achats et de la logistique. Le nouveau management, poursuit-il, pourrait également « remettre en cause la logique de participation du groupe », comme dans les groupes français Fnac et Darty ou au sein du russe M. Video.
Déboires « passagers »
Est-ce une option qui doit inquiéter les Français ? Chez Fnac Darty, on ne fait aucun commentaire sur les déboires conjoncturels qualifiés de « passagers » d’un actionnaire. Tout au plus rappelle-t-on que Pieter Haas n’était pas au conseil d’administration du groupe Fnac Darty ni d’ailleurs aucun des dirigeants du groupe allemand. Lors de la cession par la famille Pinault des 24,3 % de Fnac Darty à Ceconomy, en juillet 2017, ce dernier avait placé deux administrateurs indépendants pour suivre à sa place la bonne marche de l’entreprise.
Mais Ceconomy est bien plus qu’un simple actionnaire, il est notamment le partenaire de Fnac Darty dans ses achats de marchandises. MediaMarktSaturn et Fnac Darty ont en effet mis en place, en août, une alliance européenne, baptisée « European Retail Alliance » qui porte sur quatre domaines : accords de partenariats avec les grands fournisseurs au niveau international, achats et accords de licences pour les marques distributeurs, collaboration en matière d’innovation et, enfin, codéveloppement d’outils visant à améliorer la connaissance clients. Le groupe français assure que les discussions opérationnelles dans le cadre de cette alliance n’ont nullement été affectées par les difficultés traversées par Ceconomy.