Le candidat du principal parti d’opposition Coalition civique, Rafal Trzaskowski est félicité par le chef de file du parti, Grzegorz Schetyna, après l’annonce des premiers résultats le donnant vainqueur pour prendre la tête de la mairie de Varsovie, le 21 octobre à Varsovie. / Alik Keplicz / AP

Les élections locales du 21 octobre – municipales, régionales, départementales –, premier test électoral en Pologne après trois années de gouvernance du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS), s’avèrent être, contre toute attente, un revers pour le parti au pouvoir. Selon les premiers sondages aux sorties des urnes, le parti de Jaroslaw Kaczynski arrive certes en tête à l’échelle nationale, avec 32,3 % des voix, et réalise historiquement son meilleur score à un scrutin local, mais le rapport de force lui reste globalement défavorable. Les deux alliés anti-PiS historiques, la Coalition civique (KO – centre droit) et le parti conservateur paysan PSL, réalisent respectivement 24,7 % et 16,6 % des voix.

Dans les grandes villes, la victoire des candidats de la Coalition civique a pris une ampleur inattendue : sur les dix villes majeures du pays, six ont été emportées par les libéraux dès le premier tour. A Varsovie, où l’on anticipait initialement un second tour, le candidat de la Coalition civique, Rafal Trzaskowski, s’impose avec 54,1 % des voix, loin devant le candidat conservateur Patryk Jaki (30,9 %). Dans certaines grandes villes, la victoire des candidats libéraux se révèle écrasante, comme dans la troisième ville du pays, Lodz (70,1 %) ou à Lublin (59,7 %). Dans les autres villes, les libéraux bénéficient de ballottages favorables.

Politique de réformes radicales

L’un des enjeux-clés de ces élections était de savoir si le PiS allait pouvoir transposer sa politique de réformes radicales, aux relents autoritaires et centralisateurs, à l’échelle locale. Le parti de Jaroslaw Kaczynski, qui gouverne actuellement à peine une voïvodie (région) sur seize, s’était fixé pour objectif de reprendre la moitié d’entre elles. Mais le PiS ne devrait pas être en mesure de gouverner dans plus de trois ou quatre voïvodies. S’il arrive en tête dans neuf d’entre elles, particulièrement sur le flanc est, sa capacité à créer des coalitions reste extrêmement limitée.

Ces élections sont les premières d’une série de quatre scrutins, qui aboutiront sur les législatives de l’automne 2019 et la présidentielle du printemps 2020. Cette échéance est d’autant plus importante qu’elle aura un impact psychologique notable sur la majorité comme sur l’opposition. Or, comme l’analyse Antoni Dudek, historien et politologue à l’université Cardinal-Wyszynski de Varsovie :

« Ces résultats sont une mauvaise nouvelle pour le PiS et un mauvais signal pour les élections à venir. Même si ces scores ne sont pas strictement transposables pour les législatives, ils donnent une certaine tendance. Le PiS misait sur un score aux alentours de 40 % à l’échelle nationale. Dans la configuration actuelle, il serait fort probable qu’il perde le pouvoir, de par son isolement. »

L’unique allié potentiel du PiS, le parti populiste Kukiz’15, est en perte de vitesse, et réalise un score de 6,3 %.

Selon M. Dudek, « il n’est pas exclu que l’on assiste à une correction du cours de la politique du gouvernement dans l’année qui suit, ou du moins à une atténuation de la propagande. La stratégie d’une rhétorique extrêmement agressive n’a visiblement pas fonctionné ». Dans les derniers jours de campagne, un spot électoral annonçant une « déferlante migratoire » en cas de retour de l’opposition au pouvoir a créé une indignation généralisée, de par son caractère ouvertement xénophobe et de son montage sur la base d’images manipulées.

Seuil symbolique dépassé

A l’issue de cette campagne d’une longueur et d’une intensité sans précédent, largement rythmée par le débat national, le taux de participation a grimpé à 51,3 % – dépassant le seuil symbolique de la moitié des inscrits pour la première fois depuis la chute du communisme. Le fossé électoral qui sépare les villes et les campagnes s’est confirmé. A l’échelle nationale, dans les grandes villes, la Coalition civique a récolté 46 % des voix, contre 22 % pour le PiS. Les campagnes ont, quant à elles, voté à 39,3 % pour le PiS et à 13,5 % pour les libéraux.

Mais le PiS a échoué dans un de ses principaux objectifs : faire chuter le parti paysan PSL et s’approprier son électorat en vue des législatives. Avec un score de 23,7 % dans les campagnes, ce dernier garde une influence notable, alors que certains prédisaient sa fin au profit du parti de Jaroslaw Kaczynski. Le chef incontesté de la majorité, que l’on disait affaibli à la suite d’une maladie, s’est beaucoup engagé dans la campagne, multipliant les déplacements. A un an des législatives, le parti ultraconservateur, qui paraissait jusque-là inébranlable, semble coupé dans son élan.