Nicolas Sarkozy au Parc des Princes, le 14 septembre 2018, à Paris. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Attention, terrain miné. Nicolas Sarkozy est attendu à Nice, vendredi 16 novembre, pour inaugurer deux rues situées à proximité de la gare de la ville : l’une baptisée du nom de Charles Pasqua ; l’autre, de celui de Philippe Séguin. Deux grandes voix de la droite des années 1980 et 1990. Deux alliés qui se sont successivement épaulés et déchirés, en particulier sur la question européenne.

Toute ressemblance avec la lutte fratricide qui oppose aujourd’hui le maire de Nice, Christian Estrosi, et le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, hier amis de trente ans et demain possibles adversaires aux municipales de 2020, serait fortuite.

Inimitié personnelle

C’est à l’invitation de M. Estrosi que l’ex-président de la République, 63 ans, officiellement retraité de la vie politique, doit se rendre dans cette ville longtemps considérée comme l’un de ses bastions. D’anciens collaborateurs de MM. Pasqua et Séguin ont également été conviés, ainsi que l’actuel premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui a succédé à ce poste à Philippe Séguin.

Dans l’esprit de Christian Estrosi, confier à celui qui l’a fait ministre le soin de rendre hommage à ces deux ténors de la droite n’a rien d’anodin. « Celui qui reste la plus grande autorité morale sur l’héritage gaulliste, c’est Nicolas Sarkozy, souligne le maire de Nice auprès du Monde. Il a marqué la vie politique française, avec notamment une méthode de gouvernance. Ils ont pour similitude avec Emmanuel Macron d’avoir imposé une présence non négligeable de la France sur la scène internationale. »

Cet événement a lieu alors que le conflit entre MM. Estrosi et Ciotti ne cesse de gagner en ampleur depuis des mois. M. Ciotti a été élu, le 13 octobre, président de la fédération Les Républicains (LR) des Alpes-Maritimes, un poste occupé de longue date avant lui par M. Estrosi — ce dernier n’était pas candidat à sa propre succession.

Le député a par ailleurs vu tous les candidats qu’il soutenait emporter les postes de délégués de circonscription du parti de droite dans le département. En retour, l’entourage du maire de Nice a dénoncé les « multiples irrégularités » qui auraient émaillé le scrutin. « Il peut y avoir des mauvais perdants, a répliqué M. Ciotti. S’il y a des recours, ils seront examinés. Moi je prends ça avec beaucoup de sérénité. »

Conflit politique

Au-delà de leur inimitié personnelle, les deux hommes se sont éloignés d’un point de vue politique : l’un est considéré comme un grand élu « Macron compatible » ; l’autre est devenu le bras droit du président des Républicains, Laurent Wauquiez.

Sur Public Sénat, le 17 octobre, M. Estrosi s’en est pris de manière virulente à son ancien conseiller. « Eric Ciotti a été mon collaborateur, mon salarié, quelqu’un en qui j’avais une totale confiance et à qui j’ai donné tous les mandats qu’il exerce aujourd’hui, a-t-il déclaré. Et du jour au lendemain, lorsque je disais noir, il disait blanc, lorsque je disais blanc, il disait noir. »

Cette visite de Nicolas Sarkozy survient, par ailleurs, à un moment où de nombreux responsables des Républicains s’interrogent sur de supposées velléités de retour dans le jeu politique de l’ex-chef de l’Etat, qui multiplie les rencontres en privé avec des élus et cherche à incarner la figure du sage situé au-dessus des querelles partisanes. « La politique, c’est fini », répète-t-il pourtant.

« La communication de Nicolas Sarkozy traduit l’impatience d’un retour, estimait-on encore ces dernières semaines dans le camp d’Eric Ciotti. Des personnes comme Christian Estrosi peuvent l’exploiter en lui lançant un appel. » Pour une médiation, l’affaire semble en tout cas compromise.