Christophe Deboffe, le patron de Neo-Eco, qui offre une seconde vie aux déchets. / cdeboffe

Christophe Deboffe en est tombé de sa chaise : comment, après dix années de réunions communes, les actionnaires de l’entreprise pouvaient-ils encore lui dire qu’ils n’avaient pas compris son cœur de métier ? Après une ascension fulgurante au sein de la société NTS, spécialisée dans l’installation de lignes de transfert d’emballage de boissons et cotée en Bourse au second marché (pour les entreprises de taille moyenne), le jeune ingénieur diplômé des Mines de Douai (aujourd’hui IMT Lille-Douai), décide de tout plaquer.

« Cette expérience manquait de sens à double titre : je produisais à gogo des bouteilles en plastique pour Coca-Cola, Danone et Nestlé, et mes partenaires financiers n’avaient aucun sens de l’entreprise. Il fallait partir, raconte-t-il, après être resté dix ans dans l’entreprise. J’ai plutôt un cerveau droit, je suis créatif et j’ai toujours voulu venir au travail pour m’amuser. »

« Boucles d’économie circulaire »

Débarrassé de tout actionnaire, l’ingénieur veut être seul maître à bord lorsqu’il fonde en 2007 à Haubourdin, dans la banlieue lilloise, Neo-Eco, une entreprise qui affiche trois ambitions : « offrir une nouvelle vie à toutes les matières usagées ; réconcilier économie et environnement ; améliorer la rentabilité et la crédibilité des clients ». Un défi titanesque pour l’époque, celui de réaliser « des boucles d’économie circulaire ».

Pour trier des matières usagées, il faut connaître la nature exacte des déchets, ce que les grands collecteurs français, tels Veolia ou Suez, ne maîtrisent pas suffisamment, selon Christophe Deboffe, 48 ans. Mais comment s’y prendre ?

« A 37 ans, je suis retourné à l’école », sourit-il. L’ingénieur pressent que c’est au sein du département génie civil et recherche de l’IMT Lille-Douai qu’il trouvera enfin la clé de fabrication des « écoproduits » dont il rêve. C’est dans ce laboratoire que travaille Nor-Edine Abriak, « ce prof atypique qui, il y a plus de trente ans, disait que réutiliser les matériaux, c’était l’avenir », rapporte l’ingénieur. A ses côtés, Christophe Deboffe va mettre au point une fibre pour les plafonniers des voitures issue des sédiments de dragage maritime. « Dès nos premières rencontres, j’ai perçu chez lui un grand visionnaire, un grand manager », salue avec fierté le professeur Abriak.

Son tout premier écoproduit étant né, Christophe Deboffe le présente lors du salon Pollutec, événement international des acteurs de l’environnement et de l’énergie « au service de la performance économique ». C’est sur le salon qu’un dirigeant de Castorama le repère : « Ce que vous avez fait là, c’est exactement ce que nous espérions. Vous êtes le premier ! » Ce temps d’avance, Christophe Deboffe ne le laissera plus jamais filer. « Plein de bonnes fées se sont ensuite penchées sur le berceau de Neo-Eco », se remémore-t-il. Ainsi, le Réseau Entreprendre Nord lui accorde un prêt d’honneur à taux zéro et s’engage à accompagner sa start-up pendant deux ans.

Castorama conclut un marché avec Neo-Eco, qui lui fournit du bois pour des fenêtres, issu de palettes. Viendront ensuite les lames de terrasse recyclées, qui feront un tabac dans l’enseigne de bricolage. Son dernier écoproduit, Christophe Deboffe l’a conçu pour Decathlon : des haltères, dont « la recette » reste pour l’instant secrète.

En dix ans, l’ingénieur a créé cent cinquante emplois dans la région des Hauts-de-France et est devenu actionnaire de pas moins de dix entreprises. Avec, à chaque fois, la même méthode : plutôt que d’en faire un service de Neo-Eco, l’ingénieur préfère y placer l’un de ses collaborateurs pour aider au développement de la nouvelle jeune pousse. Parmi celles-ci, EtNISI, qui vient de mettre au point une innovation encensée dans toute la région : un carrelage fabriqué à partir des quatre tonnes de coquilles de moules collectées lors de la braderie de Lille.

« Déconstruire de manière innovante »

Dans le domaine du génie civil, Neo-Eco a développé une offre d’accompagnement pour « mettre à nu au mieux les matériaux ». Objectif : « déconstruire de manière innovante ». A Croix (Nord), l’ingénieur a ainsi supervisé, au côté de Bouygues, la déconstruction de La Maillerie, l’ancien site des 3 Suisses. « Nous avons valorisé les 10 000 m2 de parquet en chêne massif : une partie a été donnée à une association de sauvegarde du patrimoine, une autre a été revendue, et une dernière partie des planches, d’une épaisseur de 2,5 centimètres, a été redécoupée en trois dans la tranche, triplant ainsi la surface de parquet », décrit l’ingénieur, rappelant qu’il faut cent dix-sept ans pour faire pousser un chêne.

Les 30 000 tonnes de béton, quant à elles, seront recyclées selon le processus conçu par Neo-Eco et l’IMT Lille-Douai. Une seconde vie leur sera offerte sous la forme de carrelage, de granulat pour voirie ou même de nouveau béton pour construire les futurs bâtiments de cet écoquartier.

« Mes clients deviennent des partenaires de l’IMT. Une telle proximité entre recherche et industrie est encore très rare, se félicite Christophe Deboffe. Aujourd’hui, les sédiments de dragage servent à construire des routes, des digues, des matériaux de construction… » Un savoir-faire que l’ingénieur en chef déploie aussi pour le chantier du Grand Paris et pour celui de la Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques (Solidéo). Les matériaux recyclés seront aussi dans la course, lors des Jeux olympiques de Paris, en 2024.

« Le Monde » organise son Salon des grandes écoles les 10 et 11 novembre

La 13e édition du Salon des grandes écoles (SaGE) aura lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre à Paris, aux Docks, Cité de la mode et du design (13e arrondissement), de 10 heures à 18 heures.

Plus de cent cinquante écoles de commerce, d’ingénieurs, IAE, IEP, écoles spécialisées et prépas y seront représentées, permettant d’échanger sur les différents programmes et leur accessibilité (post-bac, post-prépa ou après un bac + 2, + 3 ou + 4). Lycéens, étudiants et parents pourront également assister à des conférences thématiques animées par des journalistes du Monde Campus. Une équipe de vingt « coachs » pourra également conseiller lycéens, étudiants et parents pour définir leur projet d’orientation, préparer les concours ou rédiger leur CV.

L’entrée en sera gratuite, la préinscription en ligne est conseillée pour accéder plus rapidement au Salon. Liste des exposants et informations pratiques sont à retrouver sur le site Internet du SaGE.