Sanctions américaines contre l’Iran : les difficultés d’une riposte européenne
Sanctions américaines contre l’Iran : les difficultés d’une riposte européenne
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Bureau européen)
Les sanctions les plus dures de l’arsenal américain contre Téhéran entreront en vigueur le 5 novembre. Ce qui traduit la relative impuissance et l’embarras des Vingt-Huit face aux décisions de Washington.
Federica Mogherini, la haute représentante européenne pour la diplomatie, à Bruxelles, le 19 octobre. / Francisco Seco / AP
L’annonce par Donald Trump du nouveau train de sanctions contre Téhéran devrait être suivie d’une « déclaration politique » des Européens : c’est la seule indication que l’on pouvait recueillir à Bruxelles à la veille de cette décision. Maigre ? Sans doute. Traduisant la relative impuissance des Vingt-Huit face aux décisions de Washington.
Le premier volet de sanctions américaines, que ni Emmanuel Macron, ni Angela Merkel, ni aucun autre responsable n’étaient parvenus à éviter, avait été suivi d’une riposte. Un « véhicule spécial », un outil censé préserver les investissements et le commerce de l’Europe avec l’Iran avait été présenté. Ce SPV – selon l’acronyme anglais – était annoncé par la haute représentante européenne pour la diplomatie, Federica Mogherini, le 24 septembre. Elle signait alors avec Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des affaires étrangères, une déclaration évoquant la nécessaire « créativité » face à Washington pour sauver l’accord sur le nucléaire (JCPOA).
L’ancienne ministre italienne ne tient pas à voir sabotée l’une des rares réussites concrètes de son service d’action extérieure et martèle que sauver le JCPOA permettrait tout à la fois d’éviter l’implosion de l’économie iranienne, d’aider le camp des présumés réformateurs à Téhéran et d’éviter un conflit régional de grande ampleur.
Le SPV, censé faciliter les « transactions financières légitimes », ne semble toutefois pas encore au point. Son lancement suppose des initiatives nationales qui tardent et le doute sur son efficacité, déjà évoqué en septembre par certains diplomates « surpris » par l’annonce de Mme Mogherini, semble confirmé. Le contenu du « véhicule » demeure incertain, comme sa localisation et la date de son lancement effectif. On ignore aussi si des pays non européens, la Chine en tête, pourraient se joindre à cette initiative, comme cela semblait préconisé par Bruxelles.
Système de troc
La réaction des Etats-Unis, elle, ne s’était pas fait attendre : « Nous n’avons pas l’intention de permettre à l’Europe ou quiconque d’éviter nos sanctions », déclarait illico John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale. Des responsables iraniens indiquaient, eux, que l’initiative était positive mais son rendement incertain, les Européens n’en étant pas à leur premier recul face aux pressions américaines.
Il s’agirait d’une sorte de système de troc, sans transaction en dollars, lié aux banques centrales européennes ou fondé sur le modèle d’une chambre de compensation. Puisque le dollar ne serait pas utilisé, les entreprises de l’UE seraient préservées des sanctions américaines. Les achats de pétrole iranien, notamment, seraient concernés mais ils relèvent, en réalité, de compagnies internationales très exposées, elles, aux dites sanctions…
Le mécanisme pourrait plutôt assurer le maintien d’un commerce pour les entreprises petites ou moyennes, et protéger, par exemple, les exportations de céréales ou de médicaments. On ignore, en réalité, s’il permettra de sauver ce qui compte principalement aux yeux de Téhéran : les échanges de biens et services à haute valeur ajoutée avec l’Union.
Si elle ne devait pas parvenir à sauver l’essentiel de l’accord de 159 pages conclu, aux forceps, à l’issue de douze années de négociations ardues, l’UE subirait une lourde défaite diplomatique. Avant le premier volet des sanctions américaines, quatre diplomates de haut rang, dont l’Allemande Helga Schmid, bras droit de Mme Mogherini, avait négocié durant quatre mois avec l’administration Trump. Un document principal et deux annexes avaient été rédigés. En vain : M. Trump a balayé l’ensemble du projet en imposant ses sanctions.
« Il ne nous restait donc qu’à développer une riposte qui, même incertaine et essentiellement symbolique, tente au moins de démontrer que nous voulons continuer à avoir des relations économiques avec l’Iran et lui indiquer que les Etats-Unis ne peuvent pas, à eux seuls, trucider le JCPOA », indiquait, le 31 octobre, une source bruxelloise.