Nathalie El-Bazzal. / La Zep

Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Nathalie, 23 ans, étudiante à Grenoble.

Originaire du Liban, j’ai quitté ce pays à l’âge de 11 ans, en 2006, dès l’éclatement de la guerre avec Israël. Arrivée en France, j’ai été scolarisée dans des établissements classés en REP+. Dès mon entrée au collège, les problèmes de comportement ont surgi. J’étais loin d’être l’élève qu’on rêvait d’avoir en cours. J’ai enchaîné les conseils de discipline et j’allais de collège en collège. Arrivée en seconde générale, je n’ai pas perdu mes bonnes habitudes. Là aussi, j’ai enchaîné les conseils de discipline, et ce jusqu’à ma terminale littéraire, où j’ai découvert un programme qui allait me donner envie de me tourner vers des études politiques.

Ce programme, c’est le programme d’études intégrées (PEI) mis en place par les sept instituts d’études politiques de province, qui proposent un concours d’entrée commun en première année (IEP d’Aix-en-Provence, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Saint-Germain-en-Laye et Toulouse). Il vise à préparer au concours des lycéens boursiers. Mais avant tout, ce programme permet d’appréhender de façon optimale les études supérieures, ce qui m’a donné le goût des études et un intérêt prononcé pour la science politique et les relations internationales.

J’ai su tout de suite que cette filière était faite pour moi, car je suivais souvent l’actualité dans ma région, au Moyen-Orient, et son évolution. Mais vous imaginez bien qu’en terminale, l’élève perturbatrice que j’étais n’allait pas briser le plafond de verre, et passer ce fameux concours.

La faculté, c’était un autre monde

La filière de « science politique » de la faculté des sciences juridiques, politiques, et sociales de Lille était accessible dès la première année, pour la rentrée 2014. Je me suis donc inscrite. La faculté, c’était un autre monde : les prises de notes en amphithéâtre, le rythme (malgré certains clichés, il y a beaucoup de travail quand on débute à l’université), l’autonomie… J’ai dû rapidement m’adapter.

Une fois ma première année validée, j’ai voulu m’engager au niveau associatif. J’ai fondé l’association d’art oratoire, Révolte-toi Lille 2, affiliée à la Fédération francophone de débat. Tout s’est vite enchaîné : les débats qu’on organisait à la fac ont été un vrai succès.

Mais j’ai voulu m’investir au-delà du champ universitaire. J’ai donc présenté le projet à mes deux anciens collèges, classés en REP+, à Tourcoing (Nord). Avec l’aide des équipes pédagogiques, nous avons réussi à ouvrir un atelier d’art oratoire, avec deux débats officiels de collégiens, durant deux années consécutives. Cela a été l’occasion pour moi de voir des personnes passionnantes, mais surtout passionnées, motivées à l’idée de donner toutes les clés de réussite aux élèves.

Mon autre défi était d’organiser un débat dans mon pays d’origine, le Liban. Je voulais montrer sa beauté, car l’image qu’on en donne est souvent loin de la réalité. J’ai découvert qu’il existait un club de débat installé à l’université Saint-Joseph (USJ) de Beyrouth. Nous avons réussi à y organiser une rencontre : quatre orateurs de mon club sont partis affronter l’équipe libanaise.

Ce fut un succès, dans le domaine de l’art oratoire, mais aussi au niveau de l’expérience humaine. L’USJ de Beyrouth a organisé le championnat international de débat francophone 2016, puis 2017. Vingt-deux membres de mon club lillois y ont participé (dont deux se sont qualifiés pour la finale). Plusieurs m’ont dit avoir vécu quelque chose de fort, et avoir été frappés par la beauté du pays, l’accueil chaleureux du peuple libanais, la night life (les soirées beyrouthines sont connues au Moyen-Orient pour être les meilleures). Tous voulaient retourner au Liban !

Ne jamais perdre de vue son objectif

En 2017-2018, j’ai effectué ma L3 en échange universitaire à l’USJ de Beyrouth. On m’a proposé d’y prendre la présidence du club libanais de débat, ce que j’ai naturellement accepté. Et j’ai proposé un débat retour, avec quatre orateurs du club libanais de débat qui ont fait le déplacement à Lille.

A la fin de l’année, j’ai dû choisir un master. Et là, j’ai estimé qu’il était l’heure pour moi de briser le plafond de verre. J’ai postulé à Sciences Po Grenoble en master « études internationales et européennes » (parcours « intégration et mutations en Méditerranée et au Moyen-Orient »). Mais faisons un petit flash-back sur ma scolarité… dossier, puis entretien. Et j’ai été acceptée ! Rebelle durant ma scolarité, j’ai pourtant intégré Sciences Po Grenoble en master.

Pour conclure, je dirais qu’il ne faut jamais perdre de vue son objectif, car parfois nous sommes très près du but. Je pense que la clé de la réussite, c’est d’abord la confiance en soi, y croire, travailler et se donner les moyens pour y arriver. La réussite, ce n’est pas forcément intégrer une grande école ou faire de longues études, c’est tout simplement relever les défis qu’on se fixe.

Nathalie El-Bazzal avait raconté ce que lui avait apporté l’art oratoire lors de nos conférences O21/s’orienter au 21e siècle, en janvier 2017, à Lille :

O21. « L’art oratoire m’a donné confiance en moi »
Durée : 02:13

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Tous leurs récits sont à retrouver sur Le Monde Campus et sur la-zep.fr.