L’instance administrative suprême a examiné, en séance publique, la requête de deux associations qui demandent la suspension de la circulaire sur le tirage au sort à l’université. | THOMAS SAMSON / AFP

La circulaire gravant dans le marbre le tirage au sort à l’entrée de l’université va-t-elle s’appliquer cette année ? Saisi d’un recours en référé suspension par deux associations – Promotion et Défense des étudiants et SOS Education – le Conseil d’Etat a tenu, mardi 30 mai, une audience concernant le texte réglementaire. Au moment même où la « machine » qui répartit les candidats dans l’enseignement supérieur – le fameux algorithme d’Admission post bac (APB) – va se mettre en branle, le 1er juin, avocats et représentants du ministère ont défendu chacun leurs positions devant la haute juridiction administrative, qui va rendre son verdict dans les jours qui viennent.

Cela fait plusieurs années que l’Etat a recours au hasard, en dernier ressort, pour départager les trop nombreux candidats à l’entrée de certaines licences universitaires – principalement en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps). Mais des tribunaux administratifs ont jugé que la réglementation n’était pas suffisante pour permettre cette pratique. D’où cette circulaire, publiée en catimini par le précédent gouvernement dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, le 27 avril, avec l’objectif de sécuriser juridiquement la situation des universités confrontées aux plaintes des étudiants recalés. Ce texte a provoqué la colère de la communauté universitaire : des étudiants aux enseignants en passant par les présidents d’université, tout le monde est opposé à cette pratique.

La nouvelle ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a déjà promis, dans ses premières déclarations, de mettre fin au tirage au sort en 2018, ouvrant ainsi le sensible dossier de la sélection à l’entrée de l’université. Mais pour cette année, l’ancienne présidente de l’université de Nice n’espère que limiter le plus possible l’utilisation de cette loterie « ni juste, ni efficace ».

Pour les avocats venus défendre, devant la juridiction administrative, l’urgence de suspendre cette circulaire, il existe cependant un doute sérieux quant à sa légalité. Avec pour principal argument, que ce texte réglementaire ajoute un critère, le tirage au sort, qui n’est pas prévu par la loi – l’article 612-3 du code de l’éducation se limitant à fixer des critères géographiques, d’ordre des vœux et sur la situation de famille des candidats.

La représentante du ministère, Fabienne Thibau-Lévêque, n’a pas véritablement contredit les avocats sur ce point, mais plutôt avancé un principe de réalité, les universités ne pouvant faire face au boom démographique qui arrive à leurs portes, avec certaines filières prises d’assaut – 40 000 étudiants supplémentaires sont attendus en septembre, d’après les premiers chiffres disponibles. « Il faut mettre tout cela au regard de l’intérêt public à assurer la prochaine rentrée dans de bonnes conditions », a-t-elle insisté.

Que se passera-t-il si le Conseil d’Etat suspend la circulaire ? C’est la grande inconnue. L’Etat continuera-t-il d’effectuer le tirage au sort en dernier recours, avec le risque de voir exploser le nombre de recours en justice de candidats recalés, qui devraient ainsi réussir à y obtenir une place ? De tels recours en justice ont de toute façon déjà été promis par les avocats des deux associations à l’audience, que la circulaire soit suspendue ou non.

La représentante du ministère a évoqué, elle, la possibilité de s’en tenir désormais seulement aux critères légaux (géographique, ordre des vœux, situation de famille), puis de refuser tous les autres candidats classés ex aequo par l’algorithme, faute de pouvoir les tirer au sort ou les trier d’une manière ou d’une autre. Une hypothèse qui ne devrait cependant pas régler le problème dans les filières les plus surbookées, où le nombre de candidats qui ont placé en premier vœu la licence de leur académie dépasse déjà très largement le nombre de places disponibles. Sauf à les y refuser tous…

Reste une possibilité, qui provoque des sueurs froides chez les universitaires : les rectorats pourraient-ils forcer les universités à accepter tous les bacheliers ayant effectué un premier vœu dans une licence dite « en tension » de leur académie, au risque de voir arriver dans certains amphithéâtres un millier d’étudiants, alors que la capacité d’accueil de la filière a été fixée à 300 places ?