Quelle part des taxes vertes est réellement affectée à la transition écologique ?
Quelle part des taxes vertes est réellement affectée à la transition écologique ?
Par Audrey Tonnelier
Le budget 2019 prévoit que la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et l’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, représentera 2,8 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2019.
C’est une querelle de chiffres comme savent en produire les débats de politique économique. Quelle part des taxes vertes est réellement affectée à la transition écologique ? Et celle-ci est-elle suffisante ? Des questions loin d’être théoriques, à l’heure où la grogne fiscale autour des prix à la pompe vient torpiller l’opération de communication gouvernementale vantant la hausse du pouvoir d’achat.
Le budget 2019 prévoit que la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui comprend la contribution climat énergie – l’ancienne « taxe carbone » – et l’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, représentera 2,8 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2019, après 3,7 milliards d’euros en 2018. « Mais la TICPE est une taxe qu’on a “verdie”, pas une mesure de fiscalité écologique en tant que telle ! Et les oppositions qui nous critiquent sont bien contentes que les recettes aillent aussi aux collectivités, par exemple », souligne la députée La République en marche (LRM) Bénédicte Peyrol, membre de la commission des finances de l’Assemblée.
Sur les 37,7 milliards de recettes attendus de la TICPE en 2019, seuls 7,2 milliards seront réellement fléchés vers la transition écologique (aide au développement d’énergies renouvelables) et 1,2 milliard vers l’Agence de financement des infrastructures de transport en France. Soit un peu plus de 20 % des recettes. Pour le reste, 12 milliards iront aux collectivités territoriales (régions, départements) pour financer l’apprentissage ou le RSA, et 17 milliards au budget de l’Etat. « Mais attention, dans ce dernier, on trouve plus de 30 milliards d’euros consacrés à la transition écologique sous toutes ses formes ! », plaide Mme Peyrol, qui comptabilise l’ensemble des politiques environnementales de l’exécutif (aides au développement du bio dans l’agriculture, recherche sur les villes durables…).
Le budget du ministère de la transition écologique, lui, dépassera les 34 milliards d’euros en 2019, soit un milliard de plus que l’an dernier. Mais ces crédits comprennent, par exemple, les retraites des fonctionnaires du ministère.
Boucler les fins de mois
Dernière manière de calculer : rapporter la hausse des taxes vertes en 2019 (près de 4 milliards d’euros pour les ménages et les entreprises) aux gestes concédés par l’Etat pour en amoindrir le poids, notamment auprès des ménages modestes. Hausse de 50 euros du chèque-énergie, crédit d’impôt pour la transition énergétique, primes automobiles à la conversion… tout cela représente environ un milliard d’euros, soit 25 % des impôts supplémentaires levés.
« En fait, on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres », s’agace le député LRM Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot. Cet écologiste préfère rappeler les dispositifs auxquels pourrait recourir l’exécutif pour faire passer la pilule verte auprès des Français : bonifier encore le chèque-énergie, renforcer les aides à la rénovation thermique des logements ou mettre en place un éco-prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre. « Désormais, c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités », estime M. Orphelin.
En période de contrainte budgétaire, la tentation est grande d’utiliser la fiscalité verte pour boucler les fins de mois de l’Etat. Adoptée mi-octobre, la suppression de l’avantage fiscal pour le gazole non routier (GNR), un carburant utilisé par les TPE-PME du BTP dont le prix va bondir de 50 %, est à ce titre caricaturale. La mesure doit rapporter 980 millions d’euros à l’Etat l’an prochain. Mais, destinée à combler le financement des mesures pour les entreprises contenues dans la loi Pacte, elle n’a été annoncée qu’en septembre, et ne vise pas un secteur où des alternatives de véhicules « propres » sont facilement disponibles. Le député LR et président de la commission des finances Eric Woerth déplore « une mesure de rendement budgétaire, pas environnementale ». « Vous instrumentalisez l’environnement mais n’êtes guidés que par (…) une vision comptable à courte vue », abonde son collègue communiste Jean-Paul Dufrègne.