Des financements solidaires en danger
Des financements solidaires en danger
LE MONDE ARGENT
La fin de l’impôt sur la fortune a mis un terme à l’avantage fiscal lié à l’investissement dans le capital des entreprises solidaires.
L’impôt de solidarité sur la fortune a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière et rendu caduque son avantage fiscal. / Charlie Abad / Photononstop
Rien de tel qu’un coup de pouce du fisc pour convaincre les épargnants d’investir ou de réaliser un don. Certes, mais lorsque ce coup de pouce est supprimé, les conséquences sont immédiates. C’est ce que vivent les entreprises solidaires cette année. Pour mémoire, les dons issus des produits de partage permettent au donateur de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % ou 75 % selon le type d’association. Un avantage qui compense en grande partie le moindre rendement de ces placements dotés d’un mécanisme de partage.
De son côté, l’investissement au capital d’entreprises solidaires, sous la forme d’actions ou de parts sociales, bénéficie d’un avantage sous la forme d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 18 % de l’investissement dans la limite d’un investissement de 50 000 euros pour un célibataire (le double pour un couple), à condition de conserver ses parts au minimum sept ans. La loi de finances pour 2018 avait augmenté le taux de la réduction de 18 % à 25 % mais, en l’absence de décret d’application, c’est toujours l’ancien taux de 18 % qui s’applique.
« Les pouvoirs publics n’ont pas intégralement transféré l’ancien dispositif ISF sur l’IFI. C’est une erreur historique car l’Etat se prive d’un des deux leviers efficaces pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion », déplore Frédéric Tiberghien, le président de l’association Finansol.
De plus, et c’est là que le bât blesse, les épargnants solidaires bénéficiaient jusqu’en 2017 d’un avantage fiscal sur leur Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) lorsqu’ils souscrivaient des actions d’entreprises solidaires. Il était d’ailleurs bien plus favorable que l’avantage sur l’impôt sur le revenu, puisque les contribuables pouvaient déduire de leur ISF 50 % de leur investissement au capital de PME solidaires, dans la limite de 50 000 euros.
Avantage caduque
La suppression de l’ISF et son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) au 1er janvier 2018 ont tout simplement rendu caduque cet avantage. « Les pouvoirs publics n’ont pas intégralement transféré l’ancien dispositif ISF sur l’IFI. C’est une erreur historique, car, en limitant le soutien public au seul don et en excluant l’investissement au capital des entreprises solidaires, l’Etat se prive d’un des deux leviers efficaces pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion », déplore Frédéric Tiberghien, le président de l’association Finansol. Or, sans cet avantage fiscal, les particuliers souscrivent moins de parts de capital.
« Les deux tiers de nos sociétaires souscrivent trois parts, soit 90 euros, car c’est le minimum requis. Le tiers restant, en revanche, souscrit largement plus de 10 000 euros et bénéficie à plein des avantages fiscaux. La suppression de l’avantage ISF fait peser une inconnue sur nos levées de fonds », indique Philippe Pascal, responsable du marché des particuliers à La Nef.
Cette banque éthique avait collecté 400 000 euros en 2017 avec des investissements bénéficiant de l’avantage ISF, et 1,6 million d’euros pour l’avantage sur l’impôt sur le revenu. Même situation pour Habitat et humanisme : « Nous estimons que nos foncières vont enregistrer une baisse de 60 % de leur collecte auprès des particuliers cette année. Les investisseurs institutionnels, notamment les fonds solidaires de l’épargne salariale, ont augmenté leur investissement pour nous permettre de limiter la baisse globale de nos levées de fonds, mais ce sera transitoire », s’inquiète Lydie Crépet, responsable du développement des ressources de l’association.
La baisse des financements se traduit directement dans les actions menées par ces structures. « Les entreprises solidaires ont collecté 530 millions d’euros sous forme de capital ou de quasi-fonds propres en 2017. Nous estimons que ce montant sera divisé par deux cette année. Cela va ralentir les projets de ces entreprises », calcule Frédéric Tiberghien.