Rohingya : Aung San Suu Kyi cumule les déclarations controversées
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Amnesty International porte un sérieux camouflet à la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi. L’organisation non gouvernementale (ONG) lui a retiré, lundi 12 novembre, le prix d’« ambassadrice de conscience » qui lui avait été attribué en 2009, estimant qu’elle a « trahi les valeurs qu’elle défendait autrefois ».

« En tant qu’ambassadrice de conscience d’Amnesty International, nous espérions que vous utiliseriez votre autorité morale pour dénoncer l’injustice partout où vous la verriez, même en Birmanie », a écrit Kumi Naidoo, le secrétaire général de l’ONG, dans un courrier adressé à Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991.

« Nous sommes consternés de constater que vous ne représentez plus un symbole d’espoir, de courage et de défense indéfectible des droits de l’homme. Nous vous retirons donc ce prix avec une profonde tristesse. »

Aung San Suu Kyi avait été nommée ambassadrice de conscience d’Amnesty en « reconnaissance de sa lutte pacifique et non violente pour la démocratie et les droits humains ». Elle vivait à l’époque assignée à résidence, sous la surveillance de la junte militaire.

Par cette mesure, l’ONG entend ainsi dénoncer les « multiples violations des droits de l’homme » observées en Birmanie depuis l’arrivée de la dirigeante à la tête du gouvernement, en 2016. C’est notamment le cas sur la question de la minorité des Rohingya, dont plus de 700 000 ont dû fuir l’année dernière les exactions commises par des militaires birmans et se réfugier au Bangladesh.

« Génocide » contre les Rohingya

A la mi-septembre, la mission d’établissement des faits de l’Organisation des nations unies (ONU) sur la Birmanie a présenté devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU un rapport dénonçant un « génocide », et appelant à des poursuites devant la justice internationale contre des généraux birmans. Or Aung San Suu Kyi, qui n’a jamais condamné les violences, a été très critiquée pour n’avoir pas pris la défense des Rohingya.

Amnesty International a également déploré les « atteintes à la liberté d’expression ».

« Des défenseurs des droits humains, des militants pacifiques et des journalistes ont été arrêtés et emprisonnés, tandis que d’autres sont menacés, harcelés et intimidés pour leur travail. »

En septembre, deux reporters birmans de l’agence de presse Reuters, accusés d’« atteinte au secret d’Etat » pour avoir enquêté sur un massacre de musulmans rohingya par l’armée, ont été condamnés à sept ans de prison. Ils ont fait appel. Pour Aung San Suu Kyi, les deux journalistes ont « enfreint la loi » en enquêtant.

Le parti de la dirigeante birmane a vivement contesté le retrait de ce prix. « Nous devons rester forts face à la pression internationale », a déclaré Myo Nyut, porte-parole du parti de Mme Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

« Ces retraits de prix portent atteinte non seulement à la dignité d’Aung San Suu Kyi mais aussi aux membres de notre parti et à tous ceux qui ont participé à la révolte démocratique » contre la junte au pouvoir en Birmanie pendant des décennies, a-t-il ajouté, dénonçant un complot entre organisations pro-rohingyas pour tenter de faire pression sur son pays. Ce n’est pas le premier prix qu’Aung San Suu Kyi se voit retiré.

En août, la ville d’Edimbourg, en Ecosse, avait retiré son prix de la liberté à la dirigeante birmane en raison de son refus de condamner les violences contre les Rohingya. Et en mars, c’est le Musée de l’Holocauste de Washington qui l’a déchue d’un prix décerné pour son combat contre la dictature et en faveur des libertés.