Incendies en Californie : « La nature montre des solutions »
Incendies en Californie : « La nature montre des solutions »
Propos recueillis par Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)
Le professeur Alistair M. S. Smith décrypte les causes des feux toujours plus nombreux et meurtriers, et propose des solutions pour s’en prémunir.
A Paradise, en Californie, le 15 novembre. / Noah Berger / AP
Alistair M. S. Smith est professeur de sciences des feux à l’Université de l’Idaho. Il est le coauteur d’un article publié le 5 novembre dans la revue Nature plaidant pour le « mimétisme biologique ».
Pourquoi tant de feux et aussi meurtriers en Californie ?
La cause de tous ces incendies est évidemment la sécheresse prolongée. Le changement climatique. La saison des incendies dure plus longtemps. Il est très rare d’avoir, en novembre, des incendies comme ceux qui sévissent actuellement. La raison pour laquelle ils sont meurtriers est beaucoup plus compliquée. Beaucoup de gens ne sont pas préparés.
Le président Trump a mis en cause la gestion des forêts en Californie…
Cela n’a rien à voir dans le cas du Camp Fire. Là, c’est un cas classique de feu urbain, qui va d’un bâtiment à l’autre. Les braises arrivent par le haut. Dans la forêt, il y a beaucoup plus d’options pour les pompiers. Et plus de temps. Ils contrôlent la direction dans laquelle l’incendie se propage.
Quelle est la responsabilité des compagnies électriques ?
Les défaillances dans les lignes électriques sont une cause réelle d’incendies. En Europe, on enterre les lignes. Pas aux Etats-Unis, pour des raisons de coût. L’an dernier, en Californie, on a constaté que 17 des 20 plus grands feux avaient été causés par les lignes électriques. Une manière de limiter les dégâts serait d’enterrer les lignes. Ou d’élargir les zones tampons. Quand les compagnies disent qu’elles font du débroussaillage, c’est assez sommaire. Elles enlèvent les arbustes mais l’herbe reste là. Par ailleurs, le long des routes d’évacuation, il ne devrait pas y avoir de lignes électriques ni d’arbres.
Personne ne réglemente vraiment les compagnies. En Europe, on doit laisser un espace beaucoup plus grand entre les lignes électriques. Cela doit être de deux à trois fois la hauteur du pylône pour que rien ne soit touché en cas de chute. Aux Etats-Unis, elles ont plus de latitude pour décider elles-mêmes de l’effort qu’elles entendent faire. Mais avec les méga incendies, l’approche commence à changer. Les compagnies vont avoir d’énormes dommages à payer. Il deviendra peut-être plus intéressant d’agir que de ne rien faire.
Comment protéger les habitations ?
Les maisons s’enflamment à cause des braises. Les encadrements de portes ou de fenêtres sont des endroits vulnérables. Il faudrait les calfeutrer avec des fausses écorces, de la même façon que les plantes se protègent.
Aux Etats-Unis, on aime les meubles de jardin, les terrasses en bois. Si on les fabriquait dans des matériaux différents, cela éliminerait pas mal de combustible. On pourrait aussi couvrir les maisons de toits métalliques. Il s’agit juste de vivre plus intelligemment, pas de manière fondamentalement différente.
La nature montre des solutions. C’est ce que nous appelons le « mimétisme biologique ». Les animaux s’enterrent au passage des feux. Les collectivités locales pourraient avoir des abris souterrains, avec de l’herbe sur le toit. Les feux passeraient plus rapidement par-dessus.
Est-il sage de penser à reconstruire dans un endroit comme Paradise ?
Vu le prix de l’immobilier en Californie, les gens n’ont pas vraiment le choix. Mais ils pourraient reconstruire différemment. La mentalité commence à évoluer. On le voit avec les ouragans. Les gens reconstruisent mais différemment.
Pourquoi les pompiers n’y arrivent plus ? Sont-ils assez nombreux ?
Aux Etats-Unis, il y a cette idée que les incendies doivent être arrêtés par les pompiers. Mais le terrain, comme dans le cas du Camp Fire, est très difficile : en pente, dans des canyons. Le feu progresse très rapidement et est très difficile à anticiper.
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