Emotion autour du sort d’un Britannique condamné pour espionnage aux Emirats arabes unis
Emotion autour du sort d’un Britannique condamné pour espionnage aux Emirats arabes unis
Par Philippe Bernard (Londres, correspondant)
L’épouse de ce chercheur de 31 ans a alerté sur son cas, alors que son inculpation avait jusqu’ici peu mobilisé le Foreign office.
Daniela Tejada lit une déclaration à sa sortie du Foreign office, où elle a été reçue le 22 novembre, à Londres. / Kirsty Wigglesworth / AP
Les Emirats arabes unis (EAU) ont changé de ton, jeudi 22 novembre, dans l’affaire du Britannique Matthew Hedges, ce doctorant condamné à la prison à perpétuité à Abou Dhabi pour espionnage. Le ministère émirati des affaires étrangères Cheikh Abdallah Ben Zayed a dit espérer trouver « une solution à l’amiable », faisant état de « discussions » avec Londres. Il a fait part de la « détermination » des Emirats « à protéger leur relation stratégique avec un allié clé ». Le sort de cet étudiant de 31 ans qui prépare une thèse sur l’impact du « printemps arabe » sur la politique sécuritaire émiratie, met à nu l’ambiguïté des relations entre le Royaume-Uni, ex-puissance tutélaire des Emirats, avec cette fédération de sept principautés - dont Dubaï et Abou Dhabi - sur une pente autoritaire.
Quelque 120 000 Britanniques vivent aux Emirats arabes unis avec lesquels Londres entretient une étroite coopération militaire et de solides liens économiques : vente d’armes britanniques d’un côté, investissements émiratis de l’autre. Un membre de la famille régnante des EAU possède depuis 2008 le club de football de Manchester City tandis que plusieurs universités britanniques, comme celle de Durham (nord-est de l’Angleterre) à laquelle est rattaché Matthew Hedges, reçoivent des financements émiratis.
Témoignage émouvant
Arrêté le 5 mai, à l’aéroport de Dubaï, détenu à l’isolement pendant plusieurs semaines, le jeune chercheur a été inculpé le 10 octobre pour espionnage pour le compte du gouvernement britannique et condamné à la perpétuité mercredi 21 novembre. Ses proches, qui clament son innocence, affirment qu’il a été interrogé pendant six semaines sans avocat ni aide consulaire et qu’on lui a fait signer des aveux en arabe alors qu’il ne comprend pas cette langue.
L’émotion suscitée au Royaume-Uni, jeudi 22 novembre, par le témoignage à la BBC de Daniela Tejada, l’épouse du thésard incarcéré, semble avoir fait évoluer une situation figée après des mois de silence médiatique observé par la famille de Matthew Hedges sur les conseils du Foreign office. Affirmant que son époux était détenu « dans des conditions inacceptables pour quelque chose qu’il n’a pas fait », Mme Tejada a accusé le Foreign Office d’avoir « privilégié leurs intérêts avec les Emirats arabes unis sur la liberté et le bien-être légitimes d’un citoyen britannique ». Les responsables britanniques « ont marché sur des œuf au lieu d’adopter une position ferme, ils ont prétendu que ce n’était pas leur travail » d’intervenir, a encore affirmé la jeune femme se disant « en complet état de choc ».
« Aucune preuve »
Après la diffusion de ce témoignage, le ministre britannique Jeremy Hunt a reçu l’épouse de Matthew Hedges et parlé au téléphone avec son homologue Cheikh Abdallah Ben Zayed. « Je pense qu’il redouble d’efforts pour remédier à cette situation aussi rapidement que possible », a déclaré M. Hunt à l’issue de cet entretien. Le gouvernement britannique affirme qu’« aucune preuve » n’existe à l’appui des charges retenu cotre M. Hedges et évoque « de sérieuses répercussions diplomatiques ».
La situation du doctorant relance le débat sur l’efficacité du Foreign office pour protéger les citoyens britanniques à l’étranger, déjà critiquée à propos du sort de Nazanin Zaghari-Ratcliffe, chef de projet pour l’organisation caritative de la Fondation Thomson Reuters, détenue à Téhéran depuis 2016.