Festival : Visa For Music, un marché inquiet pour son avenir
Festival : Visa For Music, un marché inquiet pour son avenir
Par Patrick Labesse (Rabat (Maroc), envoyé spécial)
Rendez-vous essentiel pour les artistes, la manifestation marocaine, dont la cinquième édition s’est achevée samedi, peine à trouver des financements publics et privés.
La chanteuse libanaise Tania Saleh et la DJ suédoise Lisa Nordström. / DR
« Longue vie à Visa For Music ! ». La petite phrase a jailli à la fin de chaque concert, couru comme un leitmotiv tout au long de la cinquième édition de Visa For Music, qui s’est achevée le 24 novembre, tard dans la nuit, à Rabat, au Maroc. Marché et plateforme d’échanges dédiés aux musiciens et professionnels des musiques d’Afrique et du Moyen Orient, l’évènement se décline également en une cinquantaine de show-cases (courts concerts de quarante minutes environ) ouverts au public. Il a été inauguré le 21 novembre au Théâtre National Mohammed V, sur fond de discours résonnant comme une sonnette d’alarme et de louanges appuyés à l’adresse de son créateur, Brahim El Mazned.
La notoriété internationale de Visa For Music - plus de 1500 professionnels venus du monde entier, - son impact local, économique et valorisant pour les artistes marocains, l’image culturelle de la ville et du pays, « ne semblent pas faire écho auprès des institutions privées et publiques marocaines », a déploré Younes Boumehdi, président de la Fondation Hiba, une association à but non lucratif soutenant largement Visa For Music.
Créée en 2006, à l’initiative du roi Mohammed VI, avec pour mission de « contribuer au développement de la culture marocaine et à son rayonnement international », elle est propriétaire du cinéma Renaissance (l’un des principaux lieux d’accueil de l’événement) et d’un studio d’enregistrement d’envergure à Casablanca. Le dernier jour de la manifestation, Brahim El Mazned se voulait toutefois rassurant : « On a des ondes positives… Cette édition est encore un succès et j’ai reçu plusieurs coups de fils de hauts fonctionnaires n’assurant de leur volonté de se mobiliser ». Pour que Visa For Music perdure, malgré les difficultés à impliquer de nouveaux partenaires et à motiver davantage le Ministère de la Culture et de la communication.
Mohamed Laâraj, le ministre en poste depuis avril 2017, n’a accordé aucune aide sur l’édition précédente (déficitaire) et alloué cette année l’équivalent de 90 000 euros, contre le double pour son prédécesseur, Mohamed Amine Sbihi, « qui avait signé une convention d’aide basée sur cette somme, pour trois ans » insiste El Mazned.
Un événement musical fondamental
Tous les artistes et professionnels de la musique présents à Visa For Music clament en chœur l’importance fondamentale de cet événement. La chanteuse libanaise Tania Saleh, qui se produira à l’Institut du Monde arabe à Paris le 15 décembre, y présentait son dernier projet, Intersection, une performance associant street art, calligraphie arabe (images et vidéos projetées en fond de scène), poésie (Mahmoud Darwich, Khalil Gibran, Bayram al-Tunisi…) et musique électronique (la suédoise DJ Lisa Nordström). Elle expliquera le lendemain tout le positif que peut lui apporter son passage à Rabat : l’opportunité d’y « rencontrer des professionnels, des organisateurs d’événements et des tour managers, pouvant m’aider à trouver de nouvelles dates de concerts et d’y croiser aussi des musiciens du monde entier ».
Tania Saleh "Intersection - تقاطع" | The Film
Durée : 15:21
La talentueuse chanteuse marocaine, originaire de Fès, Nabyla Maan, qui propose, accompagnée d’un sextette, une fusion aux accents jazz, sur des musiques traditionnelles marocaines et arabo-andalouses, s’y produisait pour la seconde fois. Elle y est venue également en « visiteuse » sur d’autres éditions. « Cela m’a permis de décrocher des concerts dans d’importants festivals tel que le ACC World Music Festival en Corée, Jazz à Carthage en Tunisie ainsi que des dates aux Pays-Bas » souligne-t-elle. Devant la salle Bahnini, archi comble, où elle se produisait le dernier soir, une foule importante se voyait refuser l’entrée. Des ondes positives pour imaginer l’avenir ?
Nabyla Maan-Chams Al-Achia - نبيلة معن ـ شمس العشية
Durée : 04:40
Tania Saleh (avec DJ Lisa Nordström) en concert le 15 décembre à l’Institut du Monde Arabe à Paris, dans le cadre de la Fête de la langue arabe.