Les fonctionnaires appelés à élire leurs représentants syndicaux
Les fonctionnaires appelés à élire leurs représentants syndicaux
Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Benoît Floc'h
La participation sera scrutée de près, à l’heure où les tensions sont fortes avec le gouvernement. En 2014, la CGT était arrivée en tête.
C’est un scrutin que l’exécutif va analyser avec soin. A partir de jeudi 29 novembre et jusqu’au 6 décembre, 5,2 millions de fonctionnaires sont invités à élire leurs représentants dans les 22 000 instances représentatives des trois fonctions publiques (hospitalière, territoriale et d’Etat).
Ces élections interviennent à un moment de fortes tensions entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires. Depuis l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a ouvert de nombreux chantiers sensibles : réforme du dialogue social, recours accru aux contractuels, rémunération au mérite, plans de départs volontaires… Cela doit déboucher sur un projet de loi au premier semestre 2019.
« Véritable inquiétude »
Ces élections internes donneront peut-être des signes de la manière dont les agents publics réagissent à la politique gouvernementale. La participation sera notamment scrutée avec attention. En baisse ces dernières années, elle s’établissait à 52,8 % en 2014. « Il est extrêmement important pour le gouvernement d’avoir des représentants syndicaux légitimés par une forte participation », insiste Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès de Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publiques. « C’est l’un des enjeux, et peut-être le premier », reconnaît Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT-Fonction publique, tout en rejetant « le jeu dangereux pour la démocratie sociale » qui consisterait, selon lui, à délégitimer les scrutins syndicaux pour cause de faible participation. « Je suis persuadé qu’un grand nombre d’agents vont s’exprimer car ils sont mobilisés, confie Luc Farré, secrétaire général de l’UNSA-Fonction publique. Quand on leur explique ce que le gouvernement a en tête, on sent une véritable inquiétude. »
Une hausse de participation ne manquerait pas d’être interprétée comme « un signe du rejet des fonctionnaires quant à la réforme qui se profile », selon Catherine Vincent, sociologue à l’Institut de recherches économiques et sociales. « Les projets du gouvernement pour la fonction publique passent très mal chez les fonctionnaires et au sein des organisations syndicales, qui y sont toutes opposées », observe-t-elle. Ces dernières ont d’ailleurs appelé à mobiliser, à plusieurs reprises, contre les plans de l’exécutif dans une rare unité syndicale. A l’inverse, une baisse de la participation n’est pas non plus à exclure. « Il y a un vrai problème de dialogue social dans la fonction publique, souligne Mme Vincent. Les fonctionnaires ont du mal à aller voter pour des représentants dont ils ne sont pas persuadés qu’ils sont très utiles. »
Les syndicats se montrent d’ailleurs prudents, au moment où le mouvement des « gilets jaunes » montre par ailleurs une défiance à l’égard de toute représentation, tant politique que syndicale. « Cette politique effrénée sur la fonction publique, depuis un an et demi, aura-t-elle pour effet de canaliser le mécontentement et de provoquer un vote massif ou, au contraire, les agents se réfugieront-ils dans un sentiment de fatalité, estimant que “rien ne sert à rien” ? Je ne sais pas, reconnaît M. Canon. Mais si la participation est en baisse, il ne faudra s’exonérer d’aucune question sur les raisons pour lesquelles se produit cette désaffection. »
FO en embuscade
Le scrutin permettra également de déterminer la représentativité des organisations syndicales. Avec 23,08 % des voix – en léger recul par rapport à la précédente élection –, la CGT était restée numéro un à l’issue du scrutin de 2014, suivie de la CFDT, Force ouvrière, l’UNSA, la FSU, Solidaires, la CFTC, la CGC et la Fédération autonome de la fonction publique.
La CGT entend conserver sa première place. Même si elle n’a pas réussi lors des dernières élections à endiguer son déclin, elle devrait cependant parvenir à garder sa position. « On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, mais 100 000 voix d’écart en 2014, c’est quand même énorme, reconnaît Mylène Jacquot (CFDT). Leur avance leur donne une marge importante. » Pour la CFDT, qui est passée devant la CGT dans le privé en 2017, l’objectif est de pouvoir afficher une première position tous secteurs confondus en cumulant les voix du public et du privé.
FO est aussi en embuscade, qui talonnait la CFDT en 2014 (19,27 % contre 18,59 %). Elle espère surtout rester en tête dans la fonction publique d’Etat malgré ses récents déboires. Le 17 octobre, son secrétaire général, Pascal Pavageau, a dû démissionner après que l’existence d’un fichier occulte sur les cadres de l’organisation a été révélée. « On a géré la crise de façon rapide et on n’a pas changé notre orientation, plaide Christian Grolier, secrétaire général de FO-Fonction publique. Les agents votent d’abord pour quelqu’un de leur service qui est là pour eux. » Les premiers résultats sont attendus le 6 décembre au soir, mais il faudra patienter jusqu’au 20 décembre pour connaître les scores définitifs.