Rémy Heitz, le nouveau procureur de Paris, le 4 décembre, au tribunal de Paris. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

La notice nécrologique que la Cour de cassation lui avait consacrée en 1993 s’était limitée à une phrase relevant qu’elle avait été la première femme à y siéger. Point final. Elle s’appelait Charlotte Béquignon-Lagarde. Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, a choisi l’audience solennelle d’installation du nouveau procureur de la République, Rémy Heitz, mardi 4 décembre, pour rendre hommage à celle qui fut la première femme magistrate en France. La plus prestigieuse salle d’audience du nouveau tribunal de Paris, celle de la première chambre civile, jusqu’ici appelée salle 2-13, porte désormais son nom.

Née en 1900, Charlotte Béquignon avait choisi de façon avant-gardiste d’accoler le nom de son mari, Gaston Lagarde, au sien. Première femme agrégée de droit en 1931, elle sera nommée conseiller à la Cour de cassation par Pierre-Henri Teitgen en 1946, juste après la loi autorisant les femmes à devenir magistrates. « Elle restera dix-neuf ans à la Cour de cassation, seule femme », remarque Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de Pontoise, qui a récemment sorti de l’oubli et de l’anonymat cette précurseuse.

Au-delà de ce symbole, le nouveau procureur de Paris a profité de son installation en grande pompe pour donner quelques indications sur les sujets qu’il compte porter, en prenant la succession de François Molins. Alors que la compétence sur le terrorisme devrait lui échapper dans la seconde moitié de 2019 avec la création d’un parquet national antiterroriste, il souhaite par exemple « nouer une étroite concertation avec les parquets des trois tribunaux périphériques, Bobigny, Nanterre et Créteil » afin de traiter la délinquance du quotidien.

Mise en garde

M. Heitz compte surtout mettre en musique la réforme de la justice actuellement débattue à l’Assemblée nationale sur laquelle il avait travaillé jusqu’à ces dernières semaines en tant que directeur des affaires criminelles et des grâces de la chancellerie. Il veut que le premier parquet du pays, fort de 138 magistrats et 388 fonctionnaires, « soit au rendez-vous du nouveau regard sur les peines ».

C’est même une mise en garde à l’égard de l’ensemble des magistrats qu’il a lancée, alors que la prison de la santé à Paris doit rouvrir en janvier, offrant une capacité de 1 100 places de détention. Pour M. Heitz, cela doit permettre avant tout de soulager les maisons d’arrêt surpeuplées de Fresnes (Val-de-Marne), Fleury-Mérogis (Essonne) ou Villepinte (Seine-Saint-Denis). « Si cette augmentation de capacités se traduisait par une hausse corrélative et dans les mêmes proportions de la population pénale en Ile-de-France, ce serait un échec, un échec collectif », a-t-il prévenu. Les chambres correctionnelles vont devoir s’approprier la peine autonome de bracelet électronique ou le travail d’intérêt général. Une innovation qui n’a rien de symbolique.