«  What you gonna do when the world’s on fire ? », documentaire américain de Roberto Minervini. / SHELLAC

L’avis du « Monde » - A voir

L’Italien Roberto Minervini est l’auteur d’une œuvre cinématographique réalisée depuis 2011 dans le sud des Etats-Unis, entre Texas et Louisiane. Ses documentaires, plus particulièrement, témoignent de la violence endémique du Sud profond. Après Le Cœur battant (2014) et The Other Side (2015), c’est à la communauté noire de Louisiane, marquée par le récent assassinat de plusieurs de ses membres, qu’est consacré son nouveau film, tourné dans un noir et blanc léché.

Plusieurs personnages le font vivre. Judy, blonde logorrhéique, haute en couleur, profonde en souffrance, perruque, visage en lame de couteau, y prend toute la lumière. Sa rage se comprend. Une mère de 87 ans expulsée de son appartement. Et son propre bar, le bien nommé Ooh Poo Pah Doo, lieu de convivialité et de réunion, de musique et de diatribes, du quartier de Tremé à La Nouvelle-Orléans, dont elle ne peut plus assumer les charges. Deux effets de la politique de gentrification qui chasse la communauté noire.

Lire l’entretien de Roberto Minervini  : « Nous sommes assis sur une poudrière »

Ronaldo et Titus, deux frères à la beauté frappante, tuent le temps, courent les rues, inventent des jeux. Leur père est en prison. Leur mère, doux dragon domestique, les surveille comme le lait sur le feu. Pas question qu’ils tournent mal. Les interdits pleuvent, et les objurgations. Titus porte, par sa nervosité extrême, par le dérapage que celle-ci peut à tout instant produire, le symptôme du malaise que vit ici sa communauté. Sur les épaules de Ronaldo, 14 ans, pèse le poids de l’aînesse, du chemin à montrer en l’absence du père. C’est un sacré poids pour un gamin, dont il s’acquitte avec une remarquable dévotion, quitte à lâcher la rampe parfois.

Peuples minoritaires

Le « chef » Kevin, de la communauté des Indiens de Mardi gras, travaille sans relâche à cette vieille tradition du carnaval de La Nouvelle-Orléans qui voit des Afro-Américains se parer d’extravagantes tenues indiennes, rappelle à qui voudrait l’entendre que ces deux peuples minoritaires, soudés par une solidarité historique, n’ont cessé de souffrir dans leur chair de la ségrégation raciale.

Il y a enfin un groupe du New Black Panther Party (NBPP) qui revient régulièrement, uniforme noir et allure martiale, sillonnant les rues pour manifester la réprobation de la communauté devant le meurtre impuni d’Alton Sterling, vendeur ambulant tué en 2016 par deux policiers à Baton Rouge, ou du lynchage, dans le Mississippi, de Jeremy Jackson et Phillip Carrol parce qu’ils avaient des petites amies blanches. Emmené par Krystal Muhammad, le NBPP, dont la présence toujours ténue force l’admiration, demande justice, enquête, fait acte de résistance.

La représentation de ce groupe n’en marque pas moins une limite générale de la méthode Minervini. Son écriture documentaire, impressionniste et affective, centrée sur le pouvoir d’attraction des personnages, manque parfois à documenter le réel, au point d’en occulter la complexité. C’est le cas avec le NBPP, rejeton autoproclamé en 1989 du parti originel, et dénoncé depuis, notamment par les membres de ce dernier, comme un mouvement raciste. Sans doute, l’histoire du NBPP n’était pas le sujet. Il n’appartenait pas moins à Minervini, dès lors qu’il élisait ce mouvement comme un acteur essentiel de son histoire, de le situer idéologiquement.

Documentaire américain de Roberto Minervini (2 h 03). Sur le web : www.shellac-altern.org, www.facebook.com/What-You-Gonna-Do-When-The-Worlds-On-Fire

Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 5 décembre)

À l’affiche également :

  • Ma mère est folle, film franco belge de Diane Kurys
  • Back to School, film américain de Malcom D. Lee