Législatives au Togo : mais où est passé l’opposant Tikpi Atchadam ?
Législatives au Togo : mais où est passé l’opposant Tikpi Atchadam ?
Le Monde.fr avec AFP
Alors que des élections sont prévues le 20 décembre, l’homme fort du soulèvement populaire qui secoue le pays depuis plus d’un an reste invisible.
Tikpi Atchadam, le leader du Parti national panafricain, à Lomé, le 6 septembre 2017. / PIUS UTOMI EKPEI / AFP
Alors que la campagne pour les élections législatives a débuté mardi 5 décembre au Togo, Tikpi Atchadam, homme fort du soulèvement populaire qui secoue le pays depuis plus d’un an, n’est toujours pas réapparu, mais il reste présent « dans les cœurs » de ses partisans… et sur WhatsApp. « Tikpi n’est pas parmi nous aujourd’hui, mais la lutte continue », affirme Ouro Longa, un représentant des jeunes de son parti, le Parti national panafricain (PNP), au siège de cette formation à Lomé.
Tikpi Salifou Atchadam, 51 ans, a émergé sur la scène politique togolaise en août 2017, lors des premières manifestations massives contre le régime du président Faure Gnassingbé. La verve et le charisme de cet homme que certains qualifient de populiste sont parvenus à rassembler le nord du pays, notamment au sein de la communauté tem et des musulmans, autrefois soutien tacite du pouvoir.
Devant le succès des premières manifestations d’août 2017, « Tikpi », comme l’appellent affectueusement ses partisans, s’est allié à treize formations politiques – dont l’Alliance nationale pour le changement (ANC), du chef de file traditionnel de l’opposition, Jean-Pierre Fabre. Depuis, cette coalition, la C-14, demande inlassablement la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels et le départ de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 après avoir succédé à son père. Plus récemment, ces partis ont décidé de boycotter les législatives prévues le 20 décembre, craignant des irrégularités dans leur organisation.
« Il craint pour sa sécurité »
Très présent lors des premières marches, s’exprimant volontiers devant la presse, Tikpi Atchadam a complètement disparu de l’espace public dès octobre 2017 et communique rarement sur la politique togolaise ou sur la stratégie de l’opposition. « Il se cache », soufflent ses proches, « il craint pour sa sécurité ». L’opposant serait en exil au Ghana voisin, d’où il envoie des messages vocaux à ses partisans dans les coins les plus reculés du pays via l’application WhatsApp.
« La vie de Jean-Pierre Fabre a été de nombreuses fois menacée, mais, quelque part, son statut de chef de file de l’opposition le protège, confie à l’AFP une source au sein du PNP. Atchadam, lui, est considéré comme la bête noire du pouvoir, qui ne lui laissera pas une minute de survie. » « Des opposants politiques ont été assassinés dans ce pays. Sa sécurité est plus importante, car Tikpi est notre idole », affirme Nouroudine Idrissou, un jeune militant vêtu d’un tee-shirt rouge frappé d’un cheval blanc (le logo du parti). « Physiquement, Tikpi n’est pas là. Mais spirituellement et moralement, il est au milieu de nous », assure-t-il.
Lors des grands rassemblements de septembre 2017, qui avaient fait une douzaine de morts et des dizaines de blessés, la maison d’Atchadam était surveillée par les forces de sécurité togolaises et parfois encerclée. Ses proches affirment qu’il a reçu des menaces, mais il n’a jamais été passé à tabac ou poursuivi en justice, comme l’a été son allié et rival Jean-Pierre Fabre.
« Une marche gigantesque est possible »
L’opposition continue d’afficher officiellement son unité, mais des brèches sont déjà visibles. Atchadam a taclé Fabre, à qui il reproche à mi-mot de multiplier les « marches modestes » et d’« essouffler » le mouvement. Dans son dernier message sur WhatsApp, le 11 novembre, il affirmait : « Une marche gigantesque est possible, et elle seule suffirait à libérer le Togo » de la présidence Gnassingbé.
Après des mois de crise et de négociations avortées avec le pouvoir, certains de ses alliés craignent le retour d’Atchadam, estimant que son absence est une « stratégie politique » pour apparaître comme le sauveur. « Nous avons autant besoin du PNP pour attirer le nord dans la lutte que le PNP avait besoin du reste de l’opposition et de son assise politique », assure toutefois à l’AFP un membre de la C-14.
Les législatives du 20 décembre, auxquelles la C-14 a annoncé qu’elle ne participera pas, seront l’occasion de tester la stabilité de cette alliance. Ce scrutin pourrait être l’occasion pour le jeune PNP de tester sa popularité, d’avoir ses premiers députés et de se placer comme une force crédible au sein de l’opposition par rapport à l’ANC. Mais le mot d’ordre de la C-14 est clair : « Nous ne faisons pas cette lutte pour être député, martèle son porte-parole, Eric Dupuy. Nous luttons pour le changement. »