« Gilets jaunes » : le mea culpa indispensable de Macron
« Gilets jaunes » : le mea culpa indispensable de Macron
Editorial. Lors de son intervention télévisée lundi soir, le chef de l’Etat a annoncé des mesures destinées à améliorer le pouvoir d’achat. Il espère ainsi remporter la bataille de l’opinion.
Discours d'Emmanuel Macron : la réponse aux « gilets jaunes »
Durée : 04:16
Editorial du « Monde ». Faire des choix pour le pays et convaincre les citoyens de leur nécessité et de leur pertinence : tel est le rôle du président de la République. Confronté, depuis un mois, à une colère populaire d’une nature et d’une intensité qui n’ont guère de précédents, Emmanuel Macron s’y est employé, lundi 10 décembre, en s’adressant solennellement au pays. Avec trois objectifs : assumer sa part de responsabilité dans la crise actuelle, apporter des réponses significatives aux revendications des « gilets jaunes », prendre les Français à témoin de sa bonne volonté.
Depuis deux mois, à plusieurs reprises, le chef de l’Etat avait fait amende honorable et reconnu, notamment, que ses petites phrases à l’emporte-pièce avaient pu blesser. Il était resté inaudible. Il y est donc revenu, sans barguigner. La colère actuelle, a-t-il souligné, lui paraît « juste à bien des égards ». Et il a admis que, depuis son élection, il n’avait pas su y apporter « une réponse suffisamment rapide et forte ».
Ce mea culpa était indispensable pour tenter de calmer la hargne dont il est l’objet. Mais, sauf à mettre sa tête sur le billot, il lui était difficile d’aller plus loin dans la contrition. De même, s’il reste à démontrer, son engagement à gouverner autrement, en associant largement tous les acteurs politiques et sociaux à la redéfinition d’un « contrat » national, témoigne qu’il a pris conscience des risques d’un exercice trop solitaire du pouvoir.
Reprendre l’initiative
Pris de vitesse depuis un mois par la vague toujours plus forte des revendications, le président s’est efforcé, cette fois-ci, de reprendre l’initiative. En dépit des réticences exprimées, ces derniers jours encore, par plusieurs de ses ministres, il a tranché : dès le mois prochain, la rémunération nette mensuelle d’un salarié au smic sera augmentée de 100 euros, les heures supplémentaires seront défiscalisées, et la hausse de la CSG sera annulée pour les retraités dont la pension est inférieure à 2 000 euros.
Ces mesures, ajoutées à l’annulation des hausses des prix de l’essence, coûteront quelque 10 milliards d’euros. Sauf à considérer que le budget de l’Etat est un puits sans fond, à tenir pour négligeables les équilibres économiques et financiers du pays, ou à balayer d’un revers de main la question lancinante de la dette publique, elles amélioreront effectivement le pouvoir d’achat et les « fins de mois » d’une quinzaine de millions de Français, smicards, retraités ou bénéficiaires des heures supplémentaires. On peut comprendre que, dans l’élan de leur mouvement, des « gilets jaunes » les estiment encore insuffisantes. En revanche, que des responsables politiques aspirant un jour à gouverner les qualifient de « miettes » relève de la démagogie pure et simple.
Reste à savoir si Emmanuel Macron aura convaincu les Français. Car, au-delà des « gilets jaunes » qu’il n’a pas cités, c’est au pays, globalement, qu’il s’est adressé. Depuis un mois, l’opinion soutient largement le mouvement de fronde actuel. Les violences inquiétantes qui ont accompagné les journées de mobilisation – et que le président a condamnées sans appel – n’ont jusqu’à présent pas sérieusement érodé ce soutien.
Le changement de ton du chef de l’Etat, les gestes qu’il vient de faire, la volonté réaffirmée de changer de mode de gouvernement : tout cela va peser, doit peser, dans la bataille de l’opinion qui est engagée. Dans le climat actuel, rien ne garantit que ce sera le cas. Mais tout esprit responsable ne peut que le souhaiter.
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