Contrôle au faciès : trois lycéens qui assignaient l’Etat en justice ont été déboutés
Contrôle au faciès : trois lycéens qui assignaient l’Etat en justice ont été déboutés
Par Nicolas Chapuis
Après avoir subi un contrôle lors d’une sortie scolaire, en mars 2017, ils avaient attaqué l’Etat en justice. Mais le tribunal de Paris les a déboutés, lundi. Ils ont décidé de faire appel.
Ils avaient assigné l’Etat et le ministre de l’intérieur en justice, ils ont été intégralement déboutés. Les trois lycéens de Seine-Saint-Denis, Ilyas, Mamadou et Zakaria, qui estimaient avoir fait l’objet d’un contrôle au faciès à la gare du Nord en mars 2017, n’ont pas obtenu gain de cause. Dans leur décision rendue lundi 17 décembre, les trois magistrats du tribunal de grande instance de Paris écrivent que « le contrôle effectué dans un objectif légitime de maintien de l’ordre, sans discrimination fondée sur l’origine, ne peut pas être considéré comme ayant été discriminatoire ».
L’affaire avait fait l’objet d’une forte médiatisation, pour au moins trois raisons. Le contexte en premier lieu avait joué pour beaucoup : les trois lycéens avaient été interpellés par des policiers à leur descente du Thalys, de retour d’un voyage scolaire avec leur professeure. Un contrôle jugé humiliant devant le reste de leur classe.
Leurs fortes personnalités et le soutien sans faille de leur enseignante, Elise Boscherel, avaient également pesé, donnant à l’affaire un caractère symbolique. Leurs camarades de classe, ainsi que l’accompagnateur du voyage, avaient quasi tous rédigé des attestations pour appuyer les dires des trois plaignants quant au caractère discriminatoire du contrôle.
Enfin, en matière de droit, leur cas revêtait un intérêt particulier : il illustrait la difficulté pour les personnes victimes de contrôles au faciès d’en apporter la preuve, quand bien même toutes les études sociologiques sur le sujet attestent l’existence de ce type de contrôle. Si les magistrats avaient opté pour une condamnation de l’Etat, cela signifiait que la charge de la preuve était renversée et qu’il incombait aux autorités de prouver que les contrôles ne sont pas discriminatoires, et non l’inverse.
Le soutien du défenseur des droits
Le tribunal de grande instance de Paris en a cependant décidé autrement. Selon les magistrats, la composition de la classe de terminale (dix-huit élèves, tous d’origine étrangère) est la preuve que les policiers n’ont pas effectué un choix sur des caractères discriminants, puisque tous les élèves auraient alors dû être contrôlés.
Le défenseur des droits, qui avait apporté son soutien aux trois jeunes gens, avait pourtant demandé à la préfecture de police de Paris (dont dépendaient les fonctionnaires de police) de fournir la liste des personnes contrôlées ce jour-là. En vain.
Dans son rapport, le brigadier avait expliqué que le contrôle était en partie motivé par le fait que ces jeunes gens détenaient des sacs volumineux, dans un contexte de risque terroriste et de trafic de stupéfiants. Un argument retenu par les juges, alors que l’avocat des trois lycéens, Me Slim Ben Achour, avait souligné que le fait de porter un gros sac à la sortie d’un train était chose commune.
Ce dernier a d’ailleurs dénoncé, lors d’une conférence de presse, « une décision scandaleuse », qui montre « que les magistrats ne comprennent pas les problèmes d’égalité et de discrimination ». Présent à ses côtés, Mamadou Camara, l’un des trois plaignants, a exprimé sa déception : « Ils ne veulent pas voir la triste réalité en face », a-t-il regretté, estimant que le message envoyé était clair, « cela veut dire “restez dans vos quartiers, vous avez des droits, mais ne les utilisez pas” ».
Cette décision ne marque cependant pas la fin de l’affaire, les trois jeunes gens ayant indiqué leur volonté de faire appel. « Ce n’est pas une décision négative qui va nous dégoûter, a expliqué Mamadou Camara. On ne lâche pas le combat. »