Le premier ministre, Edouard Philippe, lors des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 18 décembre. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Et si, finalement, des Français ne voyaient pas la couleur des annonces d’Emmanuel Macron ? Des membres de la majorité s’inquiètent de la mise en application des mesures présentées par le chef de l’Etat, le 10 décembre, pour sortir de la crise des « gilets jaunes ». Lors de la réunion hebdomadaire des députés La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale, mardi 18 décembre, en présence du premier ministre, Edouard Philippe, plusieurs élus macronistes ont exprimé des réserves sur le choix de recourir à la prime d’activité pour traduire la promesse présidentielle d’augmenter de 100 euros le salaire de l’ensemble des travailleurs au smic.

La députée des Yvelines Aurore Bergé et son collègue des Deux-Sèvres Guillaume Chiche ont tous deux pris la parole lors de cette réunion interne pour alerter sur la « complexité du dispositif », qui profitera à l’arrivée à seulement 55 % des smicards, même si 1,2 million de foyers supplémentaires bénéficieront eux aussi d’un « coup de pouce ». « 100 % des personnes qui gagnent le smic ne bénéficieront pas de la prime d’activité. Notamment des femmes », a souligné Aurore Bergé. Un dispositif qui ne pourra « pas transcrire fidèlement la parole du président de la République, même s’il permet d’aller au-delà sur des petits revenus », a-t-elle regretté.

« Dans une séquence de défiance envers les élus, on ne peut pas dire que tous les smicards auront 100 euros en plus, alors que 45 % en seront exclus », a abondé Guillaume Chiche, en jugeant nécessaire d’« individualiser la mesure pour s’affranchir du foyer fiscal de référence ». Lorsque l’on prend en compte le niveau de revenus de l’ensemble du foyer, ce sont en effet 1,2 million de salariés gagnant autour du smic qui sont écartés des bénéficiaires.

La complexité des procédures critiquée

La question du versement non automatique de cette prime a également fait débat. Plusieurs députés, dont celui du Val-d’Oise Aurélien Taché, regrettent la complexité des procédures pour obtenir cette aide, versée par la Caisse nationale des allocations familiales (CAF). « La demande à la CAF est compliquée. Des gens ne vont pas recevoir car ils ne vont pas la demander. Et parmi ceux qui vont la demander, tous risquent de ne pas l’avoir… », s’inquiète-t-il.

La veille, lors du bureau exécutif du parti, les députés LRM Thomas Mesnier, Pierre Person et Guillaume Kasbarian ont eux aussi regretté le recours à la prime d’activité, jugée complexe et peu lisible. « C’est un mauvais véhicule, tranche un élu macroniste. Quand on parle de revalorisation des petits revenus, le bon véhicule est l’augmentation du smic. »

« Il n’y aura pas de carabistouille », a assuré Richard Ferrand

L’autre point de crispation concerne la manière de rendre applicable l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités touchant moins de 2 000 euros. Au sein de la majorité, plusieurs députés jugent « regrettable » que les bénéficiaires de cette mesure soient obligés d’attendre juillet pour bénéficier de la suppression de la hausse de la CSG, initialement annoncée pour début 2019. « Il n’est pas normal de faire payer des gens pendant six mois, avant de les rembourser », peste notamment un élu.

D’une manière générale, plusieurs députés LRM craignent que la difficile mise en œuvre des promesses du chef de l’Etat crée de la déception chez les Français, qui s’attendent à recevoir ces aides. « Le risque, c’est que certains voient une embrouille dans les annonces de Macron, et se disent qu’au final, ils ne toucheront pas réellement ce qui leur a été promis », résume un pilier de la majorité. D’où l’engagement formulé par le président de l’Assemblée, Richard Ferrand, dans un entretien au Journal du dimanche, publié le 16 décembre. « Il n’y aura pas de carabistouille », a-t-il affirmé, assurant que « l’engagement » de M. Macron en matière de pouvoir d’achat « sera tenu ».