France 3, samedi 22 décembre à 21 heures, téléfilm

Le Havre n’en finissait plus de traîner son image de port austère en béton armé. Le cinq centième anniversaire de la ville, célébré en 2017, ainsi que l’entrée à Matignon de son ancien maire, Edouard Philippe, auront été l’occasion de mettre un coup de projecteur sur son renouveau. Amenée à devenir le port du « Grand Paris », la ville normande est devenue si tendance que l’on y tourne désormais des polars.

Dans celui réalisé par Thierry Binisti, les enquêteurs pataugent, mais, surprise, pas sous la pluie – il y fait toujours beau. Ses prises de vue, tantôt aériennes, tantôt au ras des voitures, donnent d’emblée à voir le caractère urbain et architectural du Havre. L’intrigue se déroule justement dans un quartier réhabilité – Danton –, qui a connu, il y a dix ans, « pas mal d’affaires de dopes, recels et agressions ».

Le lieutenant Ariane Capestan (Barbara Cabrita) et son collègue Gaspard Lesage (Frédéric Diefenthal) sont chargés d’enquêter sur le corps momifié d’une jeune femme, retrouvé dans la cheminée murée d’un vieil appartement. Inhabité depuis des années, il appartient aux Rohan, une puissante famille protégée par le commissaire Cartier et la juge Guérin.

Des fantômes hantent les deux intrigues de ce polar havrais

Très vite, on apprend les raisons de la mutation au Havre d’Ariane Capestan : elle est venue y retrouver son père à qui elle n’a pas parlé depuis vingt ans. Celui-ci n’est autre que le professeur Valetti, médecin légiste chargé d’identifier la momie. Après des retrouvailles manquées avec sa fille, il va se réconcilier avec elle et l’aider dans son enquête : grâce à des tests ADN, il établit que le corps est celui de Claire Rohan, dont les parents pensaient qu’elle était morte en Argentine, en 2009.

Barbara Cabrita, Frédéric Diefenthal et Pierre Philippe (de dos) dans « Les Fantômes du Havre », de Thierry Binisti. / ARTHUR FARACHE-SAUVEGRAIN / SCARLETT PRODUCTION

Des fantômes hantent donc les deux intrigues de ce polar havrais. L’intrigue criminelle – qui a tué Claire Rohan et pourquoi ? – se révèle convaincante. La piste de Tony Costa, son ancien dealeur, est vite écartée par le duo d’enquêteurs. Les témoignages de ses deux anciennes colocataires sont, en revanche, suffisamment troublants pour maintenir assez longtemps le suspense sur l’identité du tueur.

Couple chabrolien

De son côté, l’intrigue psychologique – de quels tourments souffre Ariane Capestan, jeune femme aussi charmante que perspicace, pour passer toutes ses nuits au casino du Havre à jouer au poker ? – ne tient pas ses promesses. Ces errances nocturnes ne sont, en réalité, qu’un pur prétexte pour la mettre sur la piste du mobile, les fils de son drame familial, tendus le temps des premiers face-à-face, s’étant dénoués sans surprise.

Toutefois, les scénaristes réussissent à introduire, avec ce qu’il faut d’intensité pour la rendre palpable, de la tension au sein du duo d’enquêteurs, efficaces, complices et visiblement attirés l’un par l’autre, sans que l’on sache la nature exacte de leurs sentiments. Les scènes tournées sur les docks, où elle lui révèle ses fragilités, sont loin d’être inoubliables, mais elles donnent à ce polar un petit côté romantique et kitsch.

Le béton du port du Havre apparaît dès lors tout en contraste avec les abords fleuris de la villa des Rohan, que l’on devine nichée dans un coin de campagne proche. Cet autre couple, pour être tout à fait chabrolien, aurait gagné à être dépeint avec plus de lenteur. Mais comme dans bon nombre de situations de ce polar, les personnages dévoilent trop rapidement leur vrai visage.

Les Fantômes du Havre, de Thierry Binisti. Avec Barbara Cabrita (Fr., 2018, 105 min). www.francetvpro.fr