La star de la rumba congolaise Papa Wemba en concert à Nairobi en décembre 2006. / TONY KARUMBA / AFP

Une chaîne musicale française, Melody d’Afrique, s’est lancée en quête d’archives d’émissions musicales et de clips d’artistes africains afin de les restaurer. De quoi contribuer à la sauvegarde de pépites du patrimoine mondial, de l’afrobeat de Fela Kuti à la rumba congolaise de Papa Wemba. Très peu des images produites sur le continent à partir des années 1960 et jusqu’à un passé récent sont aujourd’hui diffusables, faute de moyens et d’infrastructures adéquates.

Aucune chaîne thématique n’était consacrée à ces artistes, au rayonnement pourtant considérable dans la musique du XXe siècle, jusqu’à ce que le groupe de médias Secom, installé à Villeneuve-d’Ascq, dans le nord de la France, lance l’an dernier Melody d’Afrique. La nouvelle venue est entièrement tournée vers les artistes africains « vintage », sur le modèle de Melody, spécialisée dans la chanson française des années 1960 à 2000.

Et à l’instar de cette dernière, qui écume les placards de l’Institut national de l’audiovisuel (INA, l’organisme gérant les archives de la télévision française) et des chaînes européennes, Melody d’Afrique – payante et diffusée dans de nombreux pays du continent ainsi qu’en France – s’est lancée dans une chasse au trésor pour retrouver et restaurer des images d’époque.

« Des bandes recouvertes de champignons »

« Comme il n’y a pas l’équivalent de l’INA en Afrique, on a [décidé] d’investir et d’aller rencontrer les chaînes de télé [du continent], les artistes et leurs ayants droit, pour les sensibiliser et les aider à sauvegarder leur patrimoine », raconte à l’AFP Jérôme Dutoit, directeur général de Melody et Melody d’Afrique. Une quête qu’il a entamée il y a trois ans, en se rendant avec le directeur technique de Secom, Vincent Charley, à Abidjan et Kinshasa, pour y chercher des archives, notamment auprès des télévisions publiques.

Emissions, clips, concerts ou documentaires, « il y a beaucoup de matière, mais on récupère souvent les bandes (notamment des cassettes vidéo au format U-matic, omniprésent dans les années 1970) en très mauvais état, recouvertes de champignons car elles ont été exposées à la chaleur, à la poussière et à l’humidité », dit-il.

Manipulées avec précaution, les bandes jugées prometteuses sont rapportées en France et confiées à des laboratoires chargés de les restaurer et de les numériser. Une fois nettoyées, elles sont placées « dans un four, où elles chauffent à une température proche de celle de leur fabrication, puis dans un frigo », explique Vincent Charley. Il est ensuite possible de tenter de les exploiter, avec des résultats incertains. « C’est la loterie, on n’arrive pas toujours à les relire. Et parfois, on réussit, mais on découvre que le programme indiqué sur le boîtier a été effacé », ajoute-t-il.

Une centaine d’heures de programmes

Toute l’opération est une course contre la montre, car les supports se dégradent du fait de leurs mauvaises conditions de conservation. « Je suis ému par cette mémoire qui disparaît de jour en jour, confie le directeur technique. C’est l’histoire de ces pays qui part en poussière », souvent dans l’ignorance générale, faute d’indexation des archives télévisuelles.

Une centaine d’heures de programmes ont déjà pu être restaurées, dont de véritables « trésors » culturels, souligne Jérôme Dutoit, qui cite « une chanson du roi de la rumba congolaise Wendo Kolosoy, Marie-Louise, dont les images [dénichées à Kinshasa] n’avaient jamais été rediffusées ».

Quand aucun clip n’existe, il arrive que Melody d’Afrique en produise, à partir de photos ou de vidéos récupérées auprès des artistes ou de leurs descendants. Secom veut établir un cercle vertueux avec ses interlocuteurs du continent : « On achète les bandes, les droits d’utilisation des vidéoclips, et en complément on prend à notre charge la restauration et on donne aux chaînes le droit d’utiliser la version remasterisée », assure Jérôme Dutoit.

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Durée : 01:06

Le chantier démarre seulement, mais la sauvegarde du patrimoine télévisuel africain commence à mobiliser. Alors que, selon une étude citée par l’INA, « moins de 1 % des émissions de radio et de télévision diffusées depuis 1995 » dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont été numérisées, cette organisation a adopté le 1er décembre une directive obligeant ses membres à se doter d’un dépôt légal audiovisuel. Et le passage à la télévision numérique, prévu dans ces pays d’ici à 2020, devrait faciliter ce mouvement.