Le parquet de Tokyo maintient Carlos Ghosn en garde à vue jusqu’au 11 janvier
Le parquet de Tokyo maintient Carlos Ghosn en garde à vue jusqu’au 11 janvier
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
L’ex-président du constructeur japonais Nissan reste au centre de détention de Kosuge et va continuer d’être interrogé sur les accusations d’abus de confiance aggravé.
Carlos Ghosn à Paris, le 6 octobre 2017. / MICHEL EULER / AP
Carlos Ghosn reste en garde à vue. Le tribunal de Tokyo a accepté lundi 31 décembre une demande du parquet de prolonger de 10 jours la détention de l’ex-président du constructeur japonais Nissan. M. Ghosn va rester au centre de détention de Kosuge, dans le nord-est de Tokyo, jusqu’au 11 janvier.
Il va continuer d’être interrogé sur les accusations d’abus de confiance aggravé. Le parquet lui reproche d’avoir transféré à Nissan « des pertes sur des investissements personnels », en l’occurrence sur des dérivés de devises au moment de la crise financière de l’automne 2008, pour un montant à 1,85 milliard de yens (14,6 millions d’euros).
Pour se sortir de ses difficultés et notamment répondre aux exigences de garantie de la banque Shinsei qui gérait ses affaires, Carlos Ghosn avait obtenu l’aide financière d’un ami et homme d’affaires saoudien, Khaled Al Juffali, entre autres vice-président du puissant groupe E.A. Juffali & Brothers et président de Nissan Gulf, une co-entreprise établie en octobre 2008 par Nissan pour soutenir ses activités de ventes et de marketing en Arabie saoudite, à Abou Dhabi, au Koweït et à Barheïn.
Par la suite, entre 2009 et 2012, 14,7 millions de dollars prélevés sur une « réserve du PDG » établie par Nissan, ont été transférés en trois fois sur un compte bancaire de Nissan Gulf. Les procureurs de Tokyo soupçonnent ces versements d’avoir été une forme de remerciement pour M. Al Juffali.
Tenter d’arracher des aveux
Selon les avocats de M. Ghosn, l’ex-président nie. D’après lui, il « s’agissait du paiement du travail effectué pour le compte de Nissan », notamment une action de lobbying auprès des autorités et de la famille royale saoudiennes.
La prolongation de la détention doit permettre aux procureurs de tenter d’arracher des aveux à M. Ghosn car étayer une accusation d’abus de confiance reste difficile. Il faut qu’elle réponde à trois critères, le non-respect par le PDG de ses obligations officielles, un enrichissement personnel ou au profit d’un tiers et un comportement portant préjudice à l’entreprise. Dans l’affaire Ghosn, l’enquête s’annonce complexe car elle suppose des investigations en Arabie saoudite et sur des faits vieux d’une dizaine d’années.
Carlos Ghosn est derrière les barreaux depuis le 19 novembre. Il avait été arrêté une première fois pour avoir minoré les montants de ses revenus dans les déclarations aux autorités boursières nippones entre 2010 et 2015. Il était pour cela resté en garde à vue pendant 22 jours.
A l’issue, il avait été mis en examen puis arrêté de nouveau, pour des faits similaires mais entre 2016 et 2018. Cette fois la garde à vue n’avait duré que dix jours, les juges ayant estimé le 20 décembre qu’il était inutile de prolonger les interrogatoires sur une affaire semblable à la précédente.
Une libération le 11 janvier incertaine
Mais M. Ghosn n’avait pas eu le temps de déposer une demande de libération sous caution. Le bureau d’enquête spéciale du parquet de Tokyo, en charge de son dossier, avait alors invoqué d’autres charges pour l’arrêter à nouveau.
Sa libération le 11 janvier n’est pas certaine. Le parquet peut l’arrêter de nouveau. S’il ne l’arrête pas, comme il est mis en examen, il peut être maintenu en prison en attendant la première audience de son procès, une pratique courante dans l’Archipel. Il pourrait également bénéficier d’une libération sous caution. Une telle décision revient au tribunal.
Son conseiller et ex-directeur délégué de Nissan, l’Américain Greg Kelly, en a bénéficié le 25 décembre. Arrêté en même temps que M. Ghosn et également mis en examen dans l’affaire des revenus non déclarés, il a pu sortir de prison contre le versement d’une caution de 70 millions de yens (554 000 euros) et avec notamment interdiction de quitter le Japon.