Dans l’ombre de la 5G, le LiFi tente de percer en s’appuyant sur la lumière
Dans l’ombre de la 5G, le LiFi tente de percer en s’appuyant sur la lumière
LE MONDE ECONOMIE
A Las Vegas, une start-up française fait la promotion de cette technologie qui permet de surfer sur le Web grâce à la lumière.
Au CES de Las Vegas, la grand-messe annuelle de l’électronique grand public, difficile cette année de passer à côté de la 5G, cette nouvelle norme de télécommunication qui doit, à courte échéance supplanter la 4G, et permettre des débits de communications beaucoup plus élevés. Mais une autre révolution s’esquisse également, plus discrète mais tout aussi prometteuse : le LiFi pour Light Fidelity. Cette technologie pourrait dans les prochaines années rivaliser avec le réseau WiFi – ou au moins le compléter utilement.
Concrètement, le LiFi s’appuie sur la lumière – plus précisément sur la modulation du clignotement d’ampoules LED – pour encoder des messages (mail, vidéo, etc.), puis les restituer à l’aide d’un récepteur. Le procédé n’est pas vraiment nouveau, puisqu’il a été développé dès 1881, par Alexander Graham Bell, l’inventeur du téléphone. Mais l’arrivée sur le marché des ampoules LED au début des années 2000 a permis de l’améliorer significativement et les premières solutions grand public commencent désormais à voir le jour.
La société Oledcomm, déjà présente l’an passé au CES – où elle avait présenté une lampe de bureau, qui permettait de se connecter à un réseau LiFi dans un périmètre limité (environ un mètre autour de l’appareil) – dévoile ainsi cette année un nouveau produit. Son plafonnier, permet de créer un réseau LiFi dans une pièce d’une trentaine de mètres carrés, auquel peuvent se raccorder simultanément une quinzaine d’utilisateurs.
Sécurité du réseau
Les bénéfices du LiFi sont nombreux. Il ne recourt pas aux radiofréquences, dont de nombreuses études pointent les effets sanitaires néfastes – d’où son interdiction dans les maternités françaises. Comme il s’appuie sur la lumière, qui ne traverse pas les murs, il est moins susceptible de faire l’objet de piratage. Enfin, et surtout, il offre un débit beaucoup plus important que le WiFi, et pourrait offrir un complément indispensable à celui-ci alors que les réseaux risquent d’être saturés avec la multiplication des objets connectés : on pourrait en compter 80 milliards dans le monde d’ici 2025, selon une étude d’IDC.
Même si le marché est encore embryonnaire, plusieurs industries regardent de près le LiFi séduites par l’argument de la sécurité du réseau. La technologie intéresse également l’aéronautique : le LiFi pourrait s’intégrer aux liseuses des passagers pour offrir de la connectivité en vol… Des annonces sont attendues au prochain Salon du Bourget.
Parmi les entreprises, encore peu nombreuses, proposant des appareils LiFi, plusieurs sont françaises. Outre Oledcomm, on peut citer Luciom (France) ou Lucibel. « C’est une des rares technologies qui est née en France, en même temps qu’au Japon et en Ecosse », explique Benjamin Azoulay, le patron d’Oledcomm, société fondée en 2012, à l’initiative de chercheurs de l’université de Versailles qui travaillent sur cette technologie depuis 2007. A l’étranger, PureLifi est également à la pointe de la recherche sur cette technologie. Préférant ne pas passer à côté d’un virage qui pourrait être majeur, le géant Phillips s’est également lancé dans la compétition tout récemment.
« Le sens de l’histoire »
« Le LiFi c’est le sens de l’histoire », veut croire Frédéric Granotier, le dirigeant de Lucibel. Il ne devrait cependant pas s’imposer dans les toutes prochaines années. D’abord parce que la technologie n’est toujours pas normalisée : le travail en cours de définition du standard devrait prendre encore 18 mois. Ensuite parce que la généralisation du LiFi ne sera possible qu’à partir du moment où les terminaux (smartphones, ordinateurs, tablettes) auront intégré un récepteur consacré dans leurs composants – pour l’instant il faut brancher un périphérique pour pouvoir communiquer en LiFi. Or la priorité des fabricants est aujourd’hui d’adapter leurs produits à la 5G. Les premiers smartphones compatibles LiFi ne devraient pas voir le jour avant… trois à cinq ans.
D’ici là les sociétés comme Oledcomm espèrent bien avoir pris une avance technologique suffisante pour pouvoir dominer le secteur. « On a la chance pour l’instant d’être sous les radars : les gros acteurs du secteur [les fabricants de terminaux] ont d’autres priorités. Notre stratégie est donc de développer des produits et du savoir-faire, pour que, quand ils se réveilleront, ils prennent une licence chez nous plutôt que passer deux ou trois ans pour développer leurs propres solutions », explique M. Azoulay. Et le jeu en vaut la chandelle : selon le cabinet Market Research Future, le marché du LiFi pourrait peser pas moins de 51 milliards de dollars d’ici à 2023.