Tant pis pour les précautions d’usage, la presse catalane le surnomme déjà « le nouveau Varane ». Jean-Clair Todibo, 19 ans, est la première recrue en 2019 du FC Barcelone. La comparaison s’arrête pour l’instant là avec son prestigieux aîné, transféré à 18 ans de Lens au Real Madrid lors de l’été 2011, entre une relégation en Ligue 2 et ses révisions du baccalauréat. Le jeune défenseur du Toulouse FC rejoindra le Barça à partir du 1er juillet, libre de tout contrat, a annoncé sur son site le club espagnol. La fin d’un bras de fer de trois mois entre le joueur et la direction du TFC, qui a tourné à l’avantage du premier.

L’histoire n’a rien d’inédit, et elle est la hantise de beaucoup de clubs français, pour lesquels la valorisation des joueurs issus de leur centre de formation est au cœur du modèle économique. Si Toulouse négocie toujours pour percevoir une indemnité (comprise entre 2 et 4 millions d’euros), croit savoir le site Les Violets.com, bien informé sur l’actualité du club, il s’agirait presque d’un pourboire par rapport à l’indemnité qu’aurait pu espérer en tirer le club haut-garonnais.

Dans ce dossier, le TFC aurait-il fait preuve d’un manque d’anticipation et mal considéré le potentiel de son joueur ? Le 19 août dernier, Alain Casanova lance Jean-Clair Todibo en Ligue 1 contre Bordeaux. Confronté à une hécatombe de blessures au poste de défenseur axial, l’entraîneur tente un pari osé avec un garçon milieu de terrain de formation, et dans sa deuxième et dernière année comme stagiaire professionnel.

Dix matchs plus tard, quelques hauts – un but à Rennes, une certaine aisance balle au pied – et quelques bas – une expulsion à Guingamp, une certaine suffisance par moments –, et Todibo sort du groupe professionnel. Sa faute ? Avoir refusé le premier contrat professionnel proposé par le TFC. Peu adepte des micros, le président délégué, Jean-François Soucasse, s’invite pour une fois en conférence de presse le 8 novembre pour évoquer « une proposition salariale sans précédent dans l’histoire du club » et prévenir que « tant qu’il n’y aura pas de décision de son côté, il y aura mise à l’écart ». Solidaire de sa direction, Alain Casanova assume la mise au placard de son ancien protégé et évoquera même « un sentiment de trahison ».

A Toulouse, les bras de fer n’ont jamais effrayé le président et propriétaire, Olivier Sadran. L’homme – qui a bâti un petit empire dans la restauration aérienne – n’est pas du genre à ouvrir la porte à ses joueurs quand ils souhaitent aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Des internationaux, comme André-Pierre Gignac, Moussa Sissoko ou Jérémy Mathieu, ont eu à composer avec l’inflexibilité de l’homme d’affaires.

Courtisé par Manchester City

Mais, dans le cas présent, l’avantage était bien du côté du joueur et de son agent, Bruno Satin. Arrivé des Lilas (Seine-Saint-Denis) en 2016, Todibo a vécu une acclimatation difficile à Toulouse et perçoit alors son avenir professionnel en pointillé entre quelques matchs avec l’équipe réserve et les moins de 19 ans. Quand Alain Casanova lui offre sa chance, il n’a pas encore signé de contrat professionnel qui protégerait le club contre un départ libre en fin de saison. En dix matchs, Todibo a eu le temps de dévoiler son potentiel et d’attirer les convoitises de Manchester City, Naples, Lyon, tous intéressés par son profil.

Pour Toulouse, le manque à gagner est important. Si la valeur du joueur est estimée à 8 millions d’euros par le site de référence Transfermarkt, son potentiel laissait espérer un transfert bien plus fructueux d’ici un ou deux ans. Prédécesseur de Todibo au poste de défenseur, Issa Diop (22 ans) a ainsi été vendu en juin dernier pour 22 millions d’euros aux Anglais de West Ham. Depuis, Diop s’est affirmé comme un titulaire indiscutable chez les Hammers et est déjà une référence à son poste en Premier League.

A Barcelone, la marche risque d’être bien plus haute pour Todibo. Avant d’être confronté à la concurrence des Gerard Piqué, Samuel Umtiti et Clément Lenglet en défense ou de l’inamovible Sergio Busquets au poste de numéro 6, le Français est laissé à la disposition du TFC où il va terminer la saison en attendant la fin de son contrat.

Sur son compte Twitter, Todibo déclare rester à la disposition de son club formateur : « Je suis disponible pour aider mes partenaires tant que je reste sous contrat. » Pas sûr pour autant qu’il retrouve le chemin des pelouses de Ligue 1. Face à l’enlisement des discussions, le TFC avait anticipé cette issue et recruté, le 5 janvier, l’international japonais Gen Shoji. Avant de poser son sac dans les vestiaires du Barça entre Lionel Messi et Luis Suarez, Jean-Clair Todibo risque de retourner à son ordinaire depuis sa mise à l’écart : alterner les entraînements entre l’équipe réserve et les moins de 19 ans sur l’île du Ramier.